le holding (le fait de tenir, de contenir) : la mère qui soutient l'enfant par ses soins, sa protection, ses bercements, etc. a un rôle de pare-excitation, c'est-à-dire qu'elle lui permet de tempérer des excitations dont l'intensité trop importante dépasserait ses capacités d'y faire face. Cette fonction est fondamentale dans l'intégration du moi qui trouve ainsi, couplée avec le développement sensori-moteur, des repères simples et stables, qui apprend à reconnaître ce que l'enfant ressent (la faim, le froid, l'inconfort de la couche mouillée, etc.). De l'intégration du moi dérive le sentiment du "je suis".
- le handling (la manipulation physique du bébé) : les soins prodigués à l'enfant participent à ce qu'il puisse se constituer une intériorité et des limites corporelles. Par exemple, le contact de l'eau chaude sur sa peau au cours du bain lui permet de sentir la surface de son corps, l'habillage l'aide à se figurer comme ayant un tronc, deux bras, deux jambes, etc. Cette fonction intervient dans la personnalisation. Grâce au holding et au handling, la psyché s'installe dans le soma, l'enfant acquiert le sentiment d'habiter son corps.
Petit à petit, la dépendance devient moins radicale. La mère suffisamment bonne est celle qui est capable de suivre les possibilités de son enfant à faire face à la frustration, ni trop longtemps absente, ni trop possessive ou envahissante. Le passage d'une adaptation parfaite aux besoins de l'enfant à une moindre adaptation s'effectue progressivement ce qui permet au nourrisson de quitter l'état de fusion sans passer par des angoisses insupportables dues à la perte brutale du holding et du handling mais également d'associer ses sentiments de colère à l'absence de la mère et de maintenir en lui une représentation de celle-ci.
La mère insuffisamment bonne peut l'être de diverses manières. Par exemple, une empathie excessive et prolongée au-delà du nécessaire empêche l'enfant de se différencier de sa mère, de ressentir le manque et par là invalide l'émergence du désir. Ensuite, la substitution des besoins de la mère à ceux de l'enfant peut le contraindre à s'y soumettre, l'interprétation des besoins de l'enfant en fonction des siens peut le forcer à développer un faux-self ou à devenir le psychiatre de celle-ci (Frenczi). Ce cas se rencontre notamment quand la dépression de la mère prend trop de place et qu'elle n'est plus réceptive aux besoins de son enfant, trop happée par sa propre souffrance. Répondre régulièrement aux besoins de l' enfant de façon chaotique, désordonnée ou imprévisible est vécue comme une ingérence ou une négligence mais confère également à la construction du monde de l'enfant un caractère morcelé. Ces trois exemples ne sont malheureusement pas exhaustifs. Tous constituent des carences graves qui entraînent un blocage ou une distorsion du développement des fonctions du moi (instance régulatrice au sein de la personnalité). Les conséquences les moins néfastes seront des symptômes névrotiques : obsessions, phobies, troubles psychosomatiques, .... avec pour défense principale le refoulement. Les répercussions les plus désastreuses seront du côté psychotique, tel qu'une organisation schizoïde de la personnalité, où la recherche de l'isolement est constituée en guise de défense contre l'effondrement, crainte née à la suite des angoisses indicibles d'annihilation, de morcellement, de ne pas cesser de tomber, de ne pas ressentir son corps, etc. ou tel que la formation d'un faux-self, soit d'une personnalité de surface qui confère au sujet un sentiment d'irréalité, un caractère caméléon, hyper adaptable, sans consistance véritable.
Le concept de self (Hartmann, 1950) désigne la représentation de la personne entière incluant le corps et l'organisation mentale. Du self découle le sentiment d'une existence individuelle autonome, la perception que les exigences pulsionnelles proviennent de soi et non pas de l'environnement, la différenciation moi/non-moi. Winnicott distingue le vrai self du faux-self, tous les deux présents chez tout être humain mais dans des proportions variées. Le premier comprend ce qui provient seulement du moi. Une figuration est donnée par les gestes spontanés. Il correspond à la partie de la personne qui se construit à partir de ses tendances innées. Il s'édifie dans les relations avec les objets subjectifs (mère, sein,...) par la communication silencieuse (être seul en présence de) et la continuité d'être quand la mère transmet à son enfant sa fiabilité. Le second, le faux-self est celui que l'éducation oblige à acquérir pour entretenir des relations civilisées - "Si tu es comme ci, tu seras un gentil garçon"... - ou qui se met en place face à des carences de l'objet maternel auxquelles le nourrisson est forcé de se soumettre sous peine de le détériorer plus encore. Winnicott a mis en évidence que les défaillances de l'environnement provoquent un clivage (une coupure, une scission) entre le vrai self, qui reste caché, à l'abri et qui ne s'exprime plus, et le faux-self, apparent, qui prend de plus en plus le dessus jusqu'à se confondre avec le sujet. Le travail en psychothérapie aura pour objectif de remettre en route les processus de maturation.
La dépendance relative correspond à l'adaptation de l'enfant à la défaillance progressive de la mère. L'enfant devient capable de se représenter sa mère comme extérieur à lui et de garder son souvenir vivant en lui le laps de temps de son absence. Toutefois, cette réalité extérieure n'est pas encore unifiée. Il y a la mère qui apporte l'affection et celle qui le frustre, contre laquelle il est parfois en colère. Ce n'est que petit à petit qu'il intègre que ces deux aspects de la mère appartiennent à la même personne. Cette compréhension est alors assortie d'angoisse parce qu'il craint que son agressivité ne l'ait détruite et ensuite, d'un désir de réparation pour peu qu'elle n'ait pas cédé à son caprice. Que la mère soit fiable est d'une grande importance. En effet, la répétition d'expériences apaisantes (après la crise, l'enfant retrouve sa mère) amène l'enfant à la certitude qu'il ne perd pas sa mère, que le lien est indestructible et à l'intérioriser (les bons objets internes dont parle la psychanalyse).