"Nous accuser de trafic de diplômes, ça n'a pas de sens"
Une enquête est en cours sur un trafic de faux diplômes dans des universités françaises. A l'origine de l'affaire, l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de l'université de Toulon, où des centaines d'étudiants chinois auraient acheté des diplômes. Pierre Gensse, le directeur de l'établissement, contacté par LEXPRESS.fr, réfute de telles pratiques.
Le Monde révèle un possible trafic de faux diplômes par des étudiants chinois inscrits à l'IAE de Toulon après la dénonciation d'un de vos enseignants. D'où viennent ces soupçons?
Depuis juillet 2007, date à laquelle j'ai pris la présidence de l'IAE, rien n'a jamais été signalé. Jusqu'ici les étudiants chinois qu'on recrutait étaient convoqués sur la base de leurs notes et de leurs dossiers et parlaient français.
Depuis cette année, le président de l'université de Toulon a augmenté les effectifs d'étudiants étrangers inscrits à l'établissement, et une commission centralisée a été créée pour recruter les étudiants. Par ce biais, 138 étudiants chinois ont été admis à l'IAE en présentant un diplôme de français passé en Chine, qui s'est révélé être un faux. Voilà ce qui a alimenté la polémique.
Une évolution stableSelon les statistiques données par l'IAE de Toulon, l'évolution des taux de réussite des étudiants chinois n'affiche rien d'exceptionnel:
-en 2006, 30 étudiants chinois sur 60 ont été diplômés, soit un taux de réussite de 50%.
-en 2007, ils étaient 49 diplômés sur 75 (65%).
-en 2008, ils étaient 59 sur 79 (75%).
138 étudiants chinois qui ne maîtrisaient pas le français ont donc suivi les cours de l'IAE...
Oui, et cela n'était pas sans poser problème. Dès le premier jour, les enseignants nous ont avertis que ces élèves ne parlaient pas la langue. Et les notes aux examens ont été catastrophiques pour les 138 étudiants: tous ont eu en dessous de 5 sur 20.
Plus tard, le 24 février, un étudiant chinois est venu me voir en me disant qu'il s'exprimait "au nom de 60 à 80 étudiants qui ne parlaient pas français" et m'a proposé 100 000 euros pour que je ferme les yeux sur l'obtention des diplômes. J'ai aussitôt averti le président d'université et la police. Là j'ai appris qu'une enquête était ouverte depuis plusieurs mois. Des plaintes auraient notamment été déposées depuis 2004 par des étudiants chinois auprès de leur consulat en Chine.
Croyez-vous à un trafic de faux diplômes?
Tout ça est flou et nous n'avons aucune preuve pour le moment. Mais penser que des enseignants aient accepté de monnayer des diplômes n'a aucun sens.
Alors comment expliquez-vous le taux de réussite de 100%, repris par Le Monde, en master d'entrepreneuriat? N'est-ce pas troublant?
Cette année-là, neuf Français sur dix avaient réussi l'examen contre 14 étudiants chinois sur 14. Mais ce taux exceptionnel n'est pas représentatif de l'IAE. Tout le monde reprend ce chiffre mais il n'est pas le taux moyen de l'établissement (voir encadré). Il ne concerne qu'un seul diplôme de master et uniquement l'année 2006!
A l'université de Poitiers, on nie toute implicationDans son édition du 16 avril, Le Monde indique que plusieurs universités pourraient être concernées par ce trafic, parmi lesquelles l'université de Poitiers. Contactée par LEXPRESS.fr, sa vice-présidente, Françoise Lambert, dément toute malversation. "Nous n'avons eu aucune fraude dans nos examens. Nous avons des procédures qui permettent d'éviter de telles pratiques comme les règles d'anonymat des copies". A Poitiers, les taux de réussite des étudiants chinois, qui représentent 2% des inscrits, ne dépassent pas le taux moyen de l'établissement, selon l'interrogée.