3) Le rapport capitaliste d'exploitation : plus-value absolue et plus-value relative.
a) Le taux d'exploitation et la norme sociale d'utilisation et de reproduction de la force de travail.
Sous l'apparence d'un rapport d'échange marchand, le capital ou le travail salarié se révèle être un rapport d'exploitation, c'est-à-dire un rapport de prélèvement du sur-travail d'une classe par une autre classe.
Ce rapport d'exploitation se mesure par ce que Marx appelle "taux d'exploitation ou taux de plus-value " et qui est le rapport :
R = Pl / V avec V = capital variable
et Pl = plus-value.
Ce rapport partage la valeur créée par la force de travail ( = V + Pl ) entre :
- le capital à qui revient la plus-value Pl,
- et le travail salarié à qui revient le capital variable V.
Autrement dit, le taux d’exploitation R traduit la répartition du travail abstrait entre :
- le travail non payé, c'est à dire le sur-travail ( plus-value )
- et le travail payé qui correspond au capital variable, c'est à dire le travail nécessaire à la reproduction de la force de travail
Le taux d'exploitation R est fonction de deux variables :
- de la durée et de l'intensité de la journée de travail c'est-à-dire de que l'on peut appeler la norme sociale d'utilisation de la force de travail.
- de la valeur d'échange de la force de travail, c'est ce que l'on peut appeler la norme sociale de reproduction de la force de travail.
Ces normes sociales sont l'enjeu de la lutte des classes et elles sont l'expression du rapport de force entre le capital et le travail salarié dans un pays donné, à un moment donné.
Cela signifie:
- premièrement : le taux d'exploitation R est un taux général d'exploitation et son unicité exprime le rapport de classe.
- deuxièmement : le taux d'exploitation est un taux national et sa codification, institutionnelle dans chaque pays, notamment par la législation du travail et les conventions collectives du travail, exprime les compromis permanents sur lesquels débouche la lutte des classes.
L'élévation du taux d'exploitation R peut prendre deux modalités à savoir la plus-value absolue et la plus-value relative.
- la plus-value absolue.
Par plus-value absolue, on désigne la modalité de production de la plus-value par augmentation de la durée ou de l'intensité de la journée de travail, la valeur d'échange de la force de travail étant donnée.
En ce qui concerne l'augmentation de la durée de travail, sa délimitation a toujours constitué un enjeu majeur de la lutte des classes.
On sait qu’historiquement c'est la lutte des travailleurs qui a ramené progressivement la durée de la journée de travail de 14 h voire 16 h par jour et 7 jours sur 7, au début du XIXe siècle, à moins de 8 h et 5 jours sur 7,aujourd'hui.
Une fois la durée légale du travail fixée, le conflit entre capitalistes et travailleurs se reporte à l’intérieur de la journée de travail et il porte alors sur l'intensité du travail c'est-à-dire sur le rythme de travail, les cadences de travail, et comme pour la durée du travail, les normes d'intensité du travail résultent toujours de luttes sociales et des compromis sociaux.
- la plus-value relative.
Par plus-value relative, on désigne la modalité de production de la plus-value par dévalorisation de la force de travail c'est-à-dire par la réduction de la valeur d'échange de la force de travail, la durée et l'intensité du travail étant donnée.
Or, il y a réduction de la valeur d'échange de la force de travail par suite de l’accroissement de la productivité du travail social dans les branches qui produisent des biens de consommation pour les travailleurs salariés ou dans les branches qui produisent des biens de production destinés à la fabrication des biens de consommation, de sorte que l'on peut dire que la plus-value relative résulte du développement de la productivité du travail social dans les branches qui produisent des marchandises entrant directement ou indirectement dans la reproduction de la force de travail (marchandises entrant directement : biens de consommation / marchandises entrant indirectement : biens de production).
Toutefois, la hausse de la productivité du travail social ne suffit pas à elle seule pour créer de la plus-value relative. Il s'agit d'une condition nécessaire mais non suffisante.
Pour créer de la plus-value relative, il faut, en plus, que le rapport de force entre capitalistes et travailleurs permette aux capitalistes de s'approprier les gains de productivité du travail c'est-à-dire qu’il faut que ce rapport de force permette au capitaliste d'empêcher l'augmentation du salaire réel ou du moins d'empêcher une hausse du salaire réel équivalent aux gains de productivité du travail.
En effet, l'existence de gains de productivité du travail rend possible un accroissement à la fois de la plus-value et du salaire réel.
La production de la plus-value relative implique seulement que la hausse du salaire réel reste inférieure à celle de la productivité du travail social.
Dans quelles proportions les gains de productivité du travail vont-ils se convertir en plus-value relative ?
Cela dépend bien sûr du rapport de force entre les capitalistes et les travailleurs salariés.
Par ailleurs, Marx indique que le développement de la productivité du travail et de la production requiert un élargissement parallèle de la consommation faute de quoi les marchandises produites ne trouveraient pas de débouchés. C'est pourquoi l'augmentation du salaire réel est la condition même du développement de la plus-value relative. D'après Marx, c'est à cette condition que le développement de la plus-value relative n'a pas de limites et constitue la base du mode de production capitaliste.
b) la plus-value sociale et le sur-profit individuel.
La plus-value, qu'elle soit absolue ou relative, ne peut être que sociale au sens où elle ne peut être saisie qu'au niveau macro-économique des rapports entre la classe capitaliste et la classe salariale.
La plus-value ne peut être appréhendée au niveau micro-économique, c'est-à-dire dans les rapports entre capitalistes et salariés de l'entreprise.
En effet, au niveau micro-économique, c’est à dire au niveau du capitaliste individuel, la mise en place d'une nouvelle méthode de production, qui améliore la productivité du travail dans son entreprise, provoque non pas la baisse de la valeur d'échange des marchandises produites, mais la baisse du coût de production de l'entreprise individuelle.
Cela n'entraîne donc pas la réduction de la valeur d'échange de la force de travail mais une augmentation du taux de profit du capitaliste individuel.
Autrement dit, cela entraîne ce que Marx appelle un sur-profit individuel du capitaliste, par rapport à ses concurrents de la branche, que Marx appelle encore la plus-value extra.
Niveau Macro-économique
­ de la productivité du
travail dans une branche
¯ de la Valeur d’Echange
de la marchandise produite
¯ de la Valeur d’Echange
de la force de travail
Plus-value
relative
généralisation de la nouvelle méthode de production
Niveau Micro-économique Sur-profit individuel
= Plus-value extra
¯ du coût de production
de l’entreprise
­ de la productivité du
travail dans une entreprise
Il existe une articulation entre la plus-value extra et la plus-value relative c'est-à-dire entre le niveau micro-économique et le niveau macro-économique.
Cette articulation s’opère par la concurrence qui pousse les autres capitalistes à adopter, eux aussi, de nouvelles méthodes de production et donc, à généraliser l'accroissement de la productivité du travail à l'ensemble de la branche et par conséquent à déclencher un processus de production de plus-value relative.
Lorsque la plus-value relative apparaît, la plus-value extra disparaît.
On voit donc qu'un capitaliste individuel n'a pas pour objectif de produire de la plus-value qu'elle soit relative ou absolue.
Ce que recherche un capitaliste individuel, c'est le sur-profit individuel par rapport à ses concurrents. Ceci étant, lorsque tous les capitalistes cherchent à obtenir du sur-profit individuel, ils déclenchent sans le savoir un processus macro-économique de plus-value relative ou absolue pour l'ensemble de la classe des capitalistes.
1) Le capital en général.
On peut dire que, chez Marx, l'analyse du rapport capitaliste de production comporte deux niveaux :
- le rapport d'exploitation capitaliste c'est-à-dire un rapport entre la classe capitaliste et les travailleurs salariés.
- le rapport de concurrence capitaliste c'est-à-dire le rapport des capitalistes à l'intérieur de leur classe.
Marx procède à l'analyse du capital en commençant par son niveau fondamental qui est le rapport capitaliste d'exploitation. Ce premier niveau d’analyse, qui est un niveau d'abstraction du capital, est désigné par Marx par le concept de capital en général.
Concevoir le capital en général, c'est le concevoir en tant que rapport de classe, abstraction faite des rapports inter-capitalistes.
Ce rapport de classe s'exprime dans le taux d'exploitation ( e = Pl / V ).
A ce niveau d'analyse, la valeur d'échange des marchandises désigne la quantité de travail socialement nécessaire.
La nécessité à laquelle renvoie ce travail social est double :
- d’une part, il s'agit de la nécessité de reproduire les conditions matérielles de production, à savoir, les moyens de production et de subsistance des travailleurs, ce qui correspond à C + V
- d'autre part, il s'agit de la nécessité de reproduire les conditions sociales de production c'est-à-dire le rapport de classe e = Pl / V.
La valeur d'échange des marchandises se détermine de la façon suivante, à partir du taux d'exploitation.
C + V ü
ý C +V + Pl = C + V ( 1 + e )
e = Pl / V þ
La valeur d’échange des marchandises est structurée par le rapport de classes sociales
2) La concurrence des capitaux.
Du niveau du capital en général, l'analyse de Marx passe ensuite au niveau des capitaux en concurrence, c’est à dire de la lutte des capitaux entre eux.
Ce qui est essentiel dans le concept marxiste de la concurrence c’est que cette lutte des capitaux est la forme sous laquelle se réalise les tendances du capital en général: c'est-à-dire l'exploitation capitaliste.
En d'autres termes, la relation inter-capitalistes a deux dimensions :
- elle est lutte, c'est à dire affrontement des capitalistes entre eux ,
- en même temps, elle est unité de solidarité des capitalistes face à la lutte des travailleurs salariés.
Dans une division du capital en branches de production, la concurrence capitaliste s'exprime dans le concept de taux de profit général, taux qui rapporte l'ensemble de la plus-value sociale à l'ensemble des capitaux avancés.
å Pl
r = --------------
å ( C+V ) ¬ somme des capitaux avancés
Ce taux de profit général détermine le profit moyen de chaque capitaliste:
Profit moyen = ( C + V ) r .
Cela signifie que chaque capitaliste, quelque soit la branche dans laquelle il se trouve, prétend à une part de la plus-value sociale proportionnelle à son capital.
À ce niveau d'analyse, la valeur d'échange de la marchandise se définit par un concept de prix de production qui est la somme du coût de production de la marchandise et du profit moyen du capitaliste :
C + V + Profit moyen = ( C + V ) ( 1 + r ).
Ce prix de production correspond à une quantité de travail socialement nécessaire qui renvoie à une double nécessité :
- d'une part, il s'agit de reproduire les conditions matérielles de production propres à chaque branche, ce que traduit le coût de production de la marchandise C + V.
- d'autre part, il s'agit de reproduire les conditions sociales de production quelque soit la branche ce qu'exprime le taux de profit général : r .
Tout comme on sait que le niveau du rapport de classe est structuré par le taux d'exploitation, on peut dire que le rapport inter-capitalistes est structuré par la formation d'un taux de profit général qui est la forme sous laquelle le taux d’exploitation s'impose aux capitalistes individuels en concurrence.
Pour Marx, le taux de profit général est donc la forme transformée du taux d'exploitation, de même que le prix de production est une forme transformée de la valeur d'échange précédemment définie au niveau du capital.
Le développement de la valeur d'échange, du niveau du capital en général au niveau des capitaux en concurrence, est désigné par Marx sous le nom de “ transformation de la valeur d'échange en prix de production ”.
Cette transformation n'est rien d'autre que le passage de l'analyse du capital d'un niveau d'abstraction à un autre.
Capital Taux d’exploitation Pl Valeur d’échange
Niveau en général e = Pl / V Pl = eV C+V (1 + e)
d’abstraction ----------------------------------------------------------------------------------------------------
du capital Capitaux en Taux de profit Gal Profit moyen Prix de production
concurrence r = å Pl / å ( C+V ) PM = (C+V ) r (C+V ) ( 1 + r)
La transformation signifie que la lutte pour le profit, que se livrent les capitalistes est limitée au montant de la plus-value prélevée sur la classe des travailleurs. Ce qui revient à dire que les capitalistes ne peuvent pas se partager plus que ce qui a été extrait dans le rapport des classes. La transformation rappelle donc que l'exploitation capitaliste n'est pas un rapport individuel entre un capitaliste et un salarié, mais un rapport de classe.
3) La concurrence capitaliste intra-branche
La transformation de la valeur d'échange en prix de production correspond à un fractionnement du capital en branches différenciées mais où le capital de chaque branche est considéré comme homogène, c'est-à-dire abstraction faite de toute différenciation interne.
Il s'agit maintenant de dépasser ce niveau d'analyse et de prendre en compte la concurrence des capitaux à l'intérieur d'une branche c'est-à-dire la concurrence intra-branche.
Au niveau d'une branche, les capitalistes se différencient par leurs coûts de production individuels qui peuvent être supérieurs ou inférieurs au coût de production général de la branche. Marx distingue alors :
- d'une part, le prix de production général de la marchandise défini à partir du coût de production général,
- d'autre part, ce que Marx appelle le prix de production individuel, qui correspond aux différents prix de production individuels.
Dès lors, un prix de production individuel inférieur au prix de production général indique que le capital individuel réalise ici un profit supérieur au profit moyen c'est-à-dire un sur-profit par rapport au taux de profit moyen:
PPI < PPG => P > PM
A l’inverse, un prix de production individuel supérieur au prix de production général indique que le capitaliste individuel réalise un profit inférieur au profit moyen. On dit qu'il réalise un sous-profit par rapport au taux de profit moyen.
4) la concurrence capitaliste inter-branches.
Avec la concurrence inter-branches, Marx aborde le dernier niveau d'analyse de la valeur d'échange qui va prendre en compte le rapport de l'offre et de la demande sur les marchés. Le travail socialement nécessaire se définit ici par rapport aux besoins de la société et s'exprime par le concept de “ prix de marché ”.
Ainsi, lorsque sur le marché, la demande dépasse l'offre, le prix de marché est supérieur au prix de production général et les capitalistes de la branche réalisent un profit supérieur au profit moyen c'est-à-dire un sur-profit.
À l'inverse, lorsque sur un marché, l'offre est supérieure à la demande, le prix du marché est inférieur au prix de production général. Les capitalistes de la branche réalisent un profit inférieur au profit naturel, c'est-à-dire un sous-profit.
Ce sur-profit et ce sous-profit inter-branches se combinent avec le sur-profit et le sous-profit intra-branche. Il en résulte une différenciation des taux de profit qui provoque des mouvements de capitaux entre branches.
CONCLUSION :
En résumé, pour Marx, la valeur d'échange, le prix de production général, et le prix de marché désignent des expressions de la valeur, c'est-à-dire du travail social, correspondant aux différents niveaux d'abstraction du capital que sont respectivement le rapport de classe, le rapport des capitaux en concurrence, la concurrence capitaliste intra-branche et inter-branches.
楼主 
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