Les habiles, les jongleurs de mots sont plus éloignés de
la poésie que cet homme qui-sans parole aucune-se
défait de sa journée, le regard levé vers un arbre, ou
le coeur attentif à la voix d'un ami.
Mon autre
Mon semblable
En cette chair
Qui nous compose
En ce coeur
Qui se démène
En ce sang
Qui cavalcade
En ce complot
Du temps
En cette mort
Qui nous guette
En cette fraternité
De nos fugaces vies
Mon semblable
Mon autre
Là où tu es
Je suis
Aurons-nous le temps d’aller très loin
de traverser les carrefours, les mers, les nuages
d’habiter ce monde qui va parmi nos pas
d’un infini secret à l’autre, pourrons-nous écouter
le remuement des corps à travers le sable;
aurons-nous le temps
de tout nous dire et d’arrêter d’être effrayés
par nos tendresses, nos chutes communes;
Pourrons-nous tout écrire
d’un passage du vent sur nos visages
ces murmures de l’univers, ces éclats d’immensité;
aurons-nous le temps de trouver
un mètre carré de terre et d’y vivre
ce qui nous échappe;
Je ne sais pas encore.
--Hélène Dorion
Un visage appuyé contre le monde
Le Noroît 1987