Garde des enfants : les parents le plus souvent d'accord sur la résidence habituelle
divorce garde enfants père"La question de la résidence se pose assez rarement lors des divorces" informe Véronique Léger, Secrétaire nationale de l'Union Syndicale des Magistrats (USM), ancienne juge aux affaires familiales (JAF) à Carpentras. "Dans 75 % des cas, les enfants sont confiés à la mère. Mais sur ces 75 %, 80 à 90 % des pères sont d'accord pour que le lieu de résidence habituelle soit le domicile de la mère" souligne-t-elle. Autant dire que dans la grande majorité des cas, la séparation et l'attribution de la garde se passent dans de bonnes conditions.
D'ailleurs, les chiffres officiels confirment le vécu de l'ancienne juge des affaires familiales. D'après l'Insee, 85 % des familles monoparentales (soit 1,76 millions de familles) sont composées d'une mère et de ses enfants1. Et bien souvent, ces familles monoparentales le sont à la suite d'une séparation des conjoints : selon une enquête de 1999, 9 familles monoparentales sur 10 le sont parce que les parents vivent séparément2.
Parfois et heureusement moins souvent, il arrive tout de même que des désaccords interviennent concernant la garde de l'enfant. "D'après mon expérience et celles de collègues, dans environ 10 à 15 % des cas, le père et la mère ne sont pas d'accord et veulent chacun avoir la garde principale de l'enfant. C'est là qu'on va chercher l'intérêt de l'enfant pour prendre une décision" précise Véronique Léger.
Garde des enfants: une décision judiciaire motivée par le bien de l'enfant
Lorsque les parents sont en conflit et que les deux veulent que leur foyer soit la résidence habituelle de leur(s) enfant (s), "le seul critère de décision des juges aux affaires familiales est l'intérêt de l'enfant et pas une volonté d'égalité entre le père et la mère" insiste Véronique Léger. "Si un petit enfant montre qu'il est très attaché à sa mère, qui assure le quotidien (par exemple une maman qui travaille à temps partiel pour s'en occuper ou est en congé parental), nous ferons le choix de la résidence de la mère car cela est dans l'intérêt de l'enfant" explique-t-elle.
Pour aider les juges aux affaires familiales à prendre leur décision, plusieurs mesures sont possibles : il y a d'abord des mesures pour régler le litige, c'est-à-dire la médiation familiale. "La médiation familiale a pour objectif de rétablir le dialogue entre les parents afin qu'ils trouvent eux-mêmes des solutions concrètes pour la garde des enfants" explique Véronique Léger. Si les parents arrivent à un accord, le juge des affaires familiales homologue celui-ci.
Autres mesures possibles : des enquêtes sociales, psychologiques et psychiatriques, et des mesures d'expertise quand le conflit est très important. "Ces mesures d'expertise nous permettent de mieux voir à quelle situation on a affaire, de voir quels processus psychologiques sont en œuvre, si l'un des parents a une emprise sur l'autre ou sur les enfants" indique Véronique Léger. "L'avis d'un psychologue ou d'un pédopsychiatre est important pour voir quelle est la position de l'enfant par rapport à ses parents : démontre-t-il un attachement plus prononcé pour l'un ou pour l'autre ?" s'interroge Dominique Brunet, psychologue clinicienne et psychothérapeute (à Bourges, 18).
Garde des enfants: les pères (ou les mères) en souffrance
"Le débat actuel porté par les papas reflète une évolution de la société : les pères tiennent une plus grande place auprès des enfants, sont plus investis dans leur éducation" souligne Véronique Léger. Mais là, la réalité des chiffres peine à refléter cette évolution sociétale : la part des hommes à la tête d'une famille monoparentale est-elle passée de 20 % en 1968 (époque à laquelle les familles monoparentales se créaient le plus souvent à la suite du décès précoce d'un des deux parents) à 14 % en 1990. Pire, en 2005, ce pourcentage s'est à peine élevé pour atteindre 15%1.
"Dans ma pratique, je vois de plus en plus de jeunes papas qui développent des capacités affectives et émotionnelles comparables à celles des mamans" confirme Dominique Brunet. "Cependant, la demande de ces pères est une demande d'égalité et ce n'est pas ce qui doit primer dans le choix de la résidence habituelle" ajoute l'ancienne juge des affaires familiales. "Les juges aux affaires familiales ont bien conscience que les papas sont de plus en plus présents mais comme on ne peut pas couper les enfants en deux, l'un des deux parents va forcément se sentir lésé" indique-t-elle. "Si un parent n'a pas la résidence principale, cela ne veut pas dire qu'il est un mauvais parent, c'est que la justice a tenté de prendre la meilleure décision possible dans l'intérêt de l'enfant" rappelle Véronique Léger.
Quid de la résidence alternée qui permettrait l'égalité ? En effet, le principe de ce mode de garde est simple : les enfants vivent la moitié du temps chez la mère et l'autre moitié chez le père. Très en vogue depuis une dizaine d'années, il concerne aujourd'hui 15 à 20 % des enfants de parents divorcés (le plus souvent dans des grandes villes). "Le juge aux affaires familiales ne peut pas proposer la résidence alternée si les parents n'en parlent pas" indique Véronique Léger. "Par contre, si l'un est pour une résidence alternée et l'autre contre, nous pouvons mettre en place une résidence alternée à titre d'essai et faire un bilan avec les parents et les enfants 4 à 6 mois après pour voir comment cette situation est vécue, notamment par les enfants" indique-t-elle. "Là encore, l'avis du psychologue est nécessaire : la résidence alternée n'est bien pour un enfant que si celui-ci a un attachement identique à ses deux parents" insiste Dominique Brunet.
Aux parents d'accepter ce qui convient le mieux à leur(s) enfant(s), en n'oubliant pas de faire intervenir si besoin un psychologue ou un pédopsychiatre pour les aider à prendre la bonne décision, de façon dépassionnée... Toujours est-il que la réalité est telle qu'en cas de séparation, ce sont bien souvent les mères qui obtiennent la garde des enfants ; même s'il ne s'agit pas là d'une sorte de régime de faveur qui leur serait accordée mais d'une décision - collégiale ou juridique - pour favoriser le bien-être et le bonheur de l'enfant. Ce qui n'exclut pas le père dans l'éducation de ses enfants, il faut simplement trouver un nouvel équilibre.
Divorce : le droit de visite de moins en moins respecté
Alors que les plaintes pour non-représentation d'enfant augmentent, leur condamnation par la justice reste encore marginale.
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Voir la collection1/5Louis n'a pas revu ses 5 enfants depuis neuf mois. Malgré la loi qui impose à son ex-épouse de lui confier la fratrie selon une alternance classique de week-ends et de vacances, impossible pour ce père de famille d'exercer son droit d'hébergement et de visite. Plaintes et procédures en tous genres n'y font rien. Une impunité «judiciairement scandaleuse et psychologiquement destructrice», s'indigne ce responsable commercial qui, à court de recours, a monté un comité de soutien sur Facebook.
Comme lui, pères et mères sont de plus en plus nombreux à vivre cette rupture brutale que la justice qualifie de non-représentation d'enfant (NRE). Près de 150.000 dépositions pour soustraction ou non-représentation sont enregistrées chaque année en France dans les services de police et de gendarmerie: 26.083 plaintes en 2009, contre 22.724 en 2001 (plainte P53, selon la nomenclature administrative), et plus de 120.000 mains courantes. Une augmentation inversement proportionnelle aux condamnations puisque seules 892 ont été prononcées par la justice en 2009, le reste étant classé sans suite. Ce paradoxe est d'autant plus fort que la loi est sans équivoque: «Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende», énonce l'article 227-5 du Code pénal.
Selon Olga Odinetz, présidente de l'Association contre l'aliénation parentale (Acalpa) et formatrice sur la non-représentation d'enfant auprès des officiers de police judiciaire de Fontainebleau, «la réponse pénale couvre 16 à 18% de la réalité des situations, estime-t-elle. Et elle se traduit essentiellement par des rappels à la loi, des médiations, des mesures éducatives, un peu de sursis et seulement 0,6% d'incarcération».
«Pas de politique globale»
Le cas de Mathilde fait partie de ces rares exceptions. L'an dernier, le procureur en charge de ce dossier «exemplaire de multirécidive» l'a envoyée trois mois en prison. «Il n'y a que des réponses individuelles, et donc très diverses, des juges aux affaires familiales et pas de politique globale», déplore Agnès, psychologue d'un centre de médiation pénale. Si les magistrats font respecter la loi sans mal dans tant d'autres champs, pourquoi ont-ils autant de difficulté à la faire appliquer dans la sphère familiale? «La première raison est qu'il est très difficile de qualifier les preuves dans ce domaine où l'on peut aussi bien porter plainte pour dix minutes de retard que pour enlèvement parental, explique Olga Odinetz. Pas évident de déterminer si la plainte est recevable ou s'il s'agit d'allégation.»
Surtout, l'engagement direct de poursuites avec l'intervention des forces de l'ordre n'apparaît pas toujours comme la solution la plus adaptée au règlement de ces difficultés, dans la mesure où l'intérêt de l'enfant commande d'essayer de rétablir les relations entre les parents. C'est du moins la pensée du ministère public qui privilégie souvent la restauration de ce dialogue. Au risque, dans des situations inextricables et qui se prolongent, de commettre un déni de justice. Enlisement inacceptable pour Me Christine Ravaz qui, pour une cliente privée de ses enfants durant seize ans, a obtenu deux condamnations de la France dans la même affaire par la Cour européenne des droits de l'homme. «Faute lourde» et «déni de justice», a tranché la Cour européenne en 2006 et 2010. «Je la ressaisis demain pour un autre dossier, déplore l'avocat qui ne compte plus les cas. En France, on continue de considérer que les non-représentations d'enfant sont un degré moindre dans la hiérarchie des fautes alors que ces ruptures font des dégâts considérables sur la santé psychique et le devenir des enfants.»