Je vous suis pour « Feu et Glace » mais non pour votre jugement global sur Wang Shuo que personnellement je trouve intéressant comme provocateur capable de comprendre certaines tendances d'une époque.« Playing for thrills » qui n'est pas traduit en français est un roman… policier de haute volée ; « Please don't call me human » est à lire, à mon sens.
N'oublions pas aussi que c'est l'un des premiers en Chine qui ait compris le rôle d'internet pour la litterature au point d'avoir crée une société et d'avoir envisagé d'être rémunéré au click.
De même, il a souligné, comme Lu Jinbo, l'importance de la création littéraire sur internet, sujet qui n'est même pas abordé en France…
On ne peut pas juger globalement à mon avis : il y a quelques années on pensait qu'il n'y avait pas de littérature chinoise car elle était soumise à la « dictature » du Parti, aujourd'hui on entend qu'elle est toujours inexistante car elle est soumise à la « dictature » du marché. Les romanciers chinois savent contourner les censures au moins partiellement et je viens de relire, avec grand plaisir, Yan Lianke qui n'est certes pas un adepte de la langue de bois !
Une médiocrité culturelle n'est pas à mon sens plus avérée que la dispartion de la France de la scène intellectuelle mondiale soulignée par un journal américain ! Vous avez raison de mentionner la médiocrité de certains romans chinois publiés en France, mais quand on voit la « qualité » moyenne du millier de romans français publié chaque année, on peut se dire que ces romans chinois même médiocres nous disent quelque chose de ce que pensent et lisent les jeunes Chinois d'aujourd'hui.
Consultant à Paris | 22H42 | 06/11/2009 | Permalien
Les interviews de W. Kubin posent des problèmes intéressants mais son approche est assez déplaisante car très "politique" et semble liée au lobbying pour les prix littéraires.
1/ Certains peuvent penser que Bei Dao est un grand poète. Mais l'encenser à ce point quand c'était cette année un candidat au prix Nobel, c'est un peu suspect surtout quand on est son traducteur en Allemand!
Poursuivre en expliquant que Wan Meng et Tie Ning sont de grands écrivains, peut préter à sourire: Wan Meng a été Ministre de la Culture et a dirigé la délégation chinoise au Salon du Livre de Francfort, quant à Tie Ning, elle est Présidente de l'Union des Ecrivains Chinois !
2/ Expliquer que les écrivains chinois sont irresponsables et qu'ils pourraient comme Bei Dao (encore lui !) publier à l'étranger... Il semble qu'il n'ait jamais entendu parler de Yan Lianke par exemple qui était récemment à Paris !
3/ S'il est "très difficile de produire des textes de qualité dans une société où l'argent est le seul roi" ce n'est certainement pas une exclusivité de la société chinoise! Mais il est exact de dire qu'après la dictature du Parti, on risque d'avoir la dictature du marché.
4/ Dire que les textes sont médiocres et les techniques traditionnelles, c'est un peu court. Shi Tiesheng, Yan Lianke, Eileen Chang par exemple, nous ont donné des textes splendides. Quant à Mo Yan, il a su adopter des concepts modernes avec succès dans "Le pays de l'Alcool" et se réinvente à chaque roman.
5/ J'avoue néanmoins que je partage ses critiques sur "Le Totem du Loup" et que je trouve, comme lui, que "Brothers" de Yu Hua malgrè de grandes qualités reste "politiquement correct".
6/ Cette conception élitiste de la littérature est déplaisante et artificielle: les romans "wuxia" de Jin Yong sont certes du divertissement (et ne prétendent pas à autre chose) mais ont beaucoup de tenue tant romanesque qu'historique; des "polars" comme ceux de Qiu Xiaolong ou de He Jiahong sont de grande qualité.
7/ Enfin il est vrai que Lu Xun et Lao She parlaient des langues étrangères mais un écivain de la même époque et du même calibre, Shen Congwen, n'en parlait aucune. De plus je suis frappé par la connaissance de la littérature étrangère de nombreux écrivains chinois actuels.
De Bertrand Mialaret
Consultant à Paris | 14H59 | 07/11/2009 | Permalien
Si beaucoup d'écrivains parlent du passé, ce n'est pas uniquement pour jouer avec la censure. J'ai posé systematiquement la question dans les interviews que j'ai faits des Mo Yan, Yu Hua, Yan Lianke...Pour moi il est clair qu'ils ne sont pas à l'aise avec la jeune génération et la classe moyenne des villes, Mo Yan l'explique même de façon très précise.
Je crois aussi que les éditeurs en Europe, dont je salue par ailleurs le travail, ont une part de responsabilité: ils ont trop sélectionné d'ouvrages concernant le Maoïsme, la Chine rurale et la Révolution Culturelle en pensant que cela intéresserait le lecteur en le déroutant.
J'ai écrit un papier sur la jeune génération qui est très peu traduite (13/6/09) ; j'espère que les traductions vont se multiplier (le livre de Chen Xiwo "Irritations" vient d'ailleurs d'être publié).
De même, il faut lire Chi Li (5/10/2008) qui, certes manque parfois de souffle, mais qui donne une image assez juste de la classe moyenne urbaine.