http://w3.aislf.univ-tlse2.fr/gt ... O_PDF/Renai_rev.pdf
La culture d’entreprise, vecteur essentiel de communication
Mohand RENAI *
1. INTRODUCTION
Reprenons tour à tour les sens actuels de l'entreprise et de la notion de culture, d'abord
en termes de références, ensuite en termes d'approches.
Nous considérons l'entreprise comme une forme particulière d'organisation, de l'action
collective, où se manifestent toutes sortes de relations hiérarchiques, d'autorité, de décisions
d'influences et de conflits. C'est donc une véritable institution sociale, où "les préoccupations
citoyennes" (Michel, 2004) sont de plus en plus intégrées, en tant que données
incontournables, dans les décisions d'investissement.
En effet, à côté des critères traditionnellement connus et reconnus (rentabilité, niveaux
d'endettement et perspectives commerciales), viennent se greffer des indicateurs liés à la
"bonne gouvernance et à la politique sociale de l'entreprise". Traduits, ces éléments suggèrent
la promotion de la responsabilité sociale et éthique de l'entreprise "moderne" et le concept de
culture d'entreprise s'est "imposé" comme le "ciment entre tous les systèmes de l'organisation,
que sont la production, la structure hiérarchique…" écrit M. Thévenet (1984).
Mais, bien avant lui, la première définition nous vient de Edgar H. Schein, qui entrevoit
la culture comme "un modèle d'assomptions de base, qu'un groupe donné a découvert, inventé
et développé, en apprenant à faire face aux problèmes d'adaptation externe et d'intégration
interne, qui ont été suffisamment éprouvés pour être considérés comme valides et donc être
enseignés aux nouveaux membres comme étant la manière juste de percevoir, de penser en
relation à ces problèmes".
D'emblée, la culture d'entreprise est un vecteur important qui traduit l'intérêt du facteur
humain dans toute action collective. Elle est, de ce fait, le canal permettant l'animation et
l'échange d'informations entre individus d'une même organisation et "un instrument, une
capacité que les individus acquièrent, utilisent et transforment en bâtissant et vivant leurs
relations et leurs échanges avec les autres" (Crozier et Friedberg, 1981).
C'est dans cette optique que nous tenterons de savoir :
- Comment des individus d'origines différentes, à la fois sur le plan formation, savoir,
compétences et ambitions, peuvent intégrer, voire se "soumettre" à ce que les
managers appellent communément "l'esprit maison",
- Quels sont les éléments déterminants de la culture d'entreprise et quel est leur « dosage
savant » pour produire des effets sur l'imaginaire organisationnel et les productions
symboliques ? .
Partant des résultats d'une étude réalisée sur un grand groupe industriel français, en
particulier sur sa "méthode cinq axes", nous avons pu comprendre que les déterminants d'une
culture d'entreprise sont :
1. sa stratégie,
* *Maître de conférence à l’Université catholique de l’Ouest, Institut des sciences de la communication et
d’éducation d’Angers. Membre de l’équipe de recherche CAFOR. IRFA.
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2. ses structures,
3. son histoire.
et que les manifestations de cette culture sont :
1. l'imaginaire organisationnel,
et 2. les productions symboliques.
D'abord parce que ces éléments traduisent une situation de communication qui conduit à
s'interroger sur l'existence des effets possibles des codes, des langages multiples au sein d'une
entreprise, ce que L.Sfez appelle la « multirationalité », qui n'est pas une simple juxtaposition
des rationalités (1981).
Lorsque cette entreprise exige de tout nouveau membre de suivre la formation de l'école "cinq
axes", cela traduit la nécessité d'intégrer un "espace commun" qu'il faut connaître, avec ses
codes, ses langages partagés, pour pouvoir être accepté. C’est d’ailleurs ce qui apparaît dans
la déclaration de la responsable de formation lors de nos entretiens « …l’objectif étant
d’imprégner l’ensemble des salariés de l’entreprise d’une culture commune avec des outils
spécifiques(…. Les cinq axes est une culture commune et ce qui est extraordinaire, c’est que
c’est commun aux milliers de salariés du groupe dans le monde entier. On a réussi à avoir un
langage commun"1.
Ensuite, ils traduisent (éléments déterminants) la nécessaire articulation des projets
individuels avec les projets d'entreprise, pour éviter toute incohérence dans la poursuite des
objectifs des uns et des autres. Car le risque de faire émerger une dualité entre les projets
individuels et le projet de l'entreprise reste vivant si ces mêmes individus ne se sentent pas "en
phase avec leurs propres désirs et aspirations et dans le cadre de leur scénario" (Michel, 1994,
p.179).