DANS LA CLASSE DE MON PERE
J’avais quatre ans. Quand ma mère allait faire les courses, elle me laissait dans la classe de mon père qui apprenait à lire à des garçons de six ou sept ans. Je restais assis, au premier rang, et je regardais mon père. Il avait à la main une baguette et il écrivait des mots au tableau noir.
Un matin maman m’a laissé à ma place et elle est sortie. A ce moment mon père écrivait au tableau : la maman a puni son garçon qui n’était pas sage. Quand il a fini d’écrire, j’ai crié :
——Non ! Ce n’est pas vrai !
Mon père m’a regardé et a demandé :
——Qu’est-ce que tu dis ?
——Maman ne m’a pas puni. Tu n’as pas bien écrit !
——Voyons, voyons, a-t-il dit, est-ce que tu sais lire ?
——Oui.
——Voyons, voyons, répétait-il. Eh bien, lis !
J’ai lu la phrase à haute voix.
Alors il est allé prendre un abécédaire, et j’ai lu plusierus phrases.
Quand ma mère est revenue, elle m’a trouvé au milieu de quatre maîtres qui ne travaillaient pas dans leurs classes et qui m’écoutaient. Je lisais l’histoire du Petit Poucet. Maman a vite refemé mon livre et m’a emporté dans ses bras.
A table mon père a expliqué à maman que j’avais appris à lire comme un perroquet apprend à parler. Mais maman ne l’écoutait pas. Elle me demandait de temps en temps : « tu n"as pas mal à la tête ? » Non, je n’avais pas mal à la tête, mais maman ne me laissait plus dans la classe de mon père.