找回密码
 注册

QQ登录

快捷登录

新浪微博登陆

搜索
CDD 法语助手

Histoire et Méthodologie Economique课件分享

30
回复
3762
查看
[ 复制链接 ]
头像被屏蔽

新浪微博达人勋

提示: 该帖被管理员或版主屏蔽
2008-12-8 18:24:02

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
3
2) L’école de Chicago et la sauvegarde de la rationalité
maximisatrice.
Pour les tenants de ce courant, à commencer par Becker et Stigler, la rationalité
maximisatrice peut‐être sauvée en intégrant directement les limites humaines dans le
cadre même de la rationalité.
Le raisonnement est le suivant : l’information est un bien économique rare et donc
coûteux. Comme dans tout choix économique, un calcul coût‐avantage permet alors aux
individus de décider, rationnellement, d’acquérir des informations ou de rester
ignorants. Le fait que les individus n’aient pas les capacités suffisantes pour répondre
aux canons de la rationalité optimisante ne remet pas en cause cette rationalité ellemême
mais en est la conséquence.
Deux principales critiques peuvent être formulées à cet égard :
• Le problème de la régression à l’infini : non seulement être rationnel est le
résultat d’un choix lui‐même rationnel mais il faut également décider
rationnellement d’être rationnel et ainsi de suite.
• Le problème de la nature de l’information : pour pouvoir juger de la qualité
informative d’une information il faut l’avoir acquise…
Par le même type de raisonnement ces auteurs ont tenté d’étendre la rationalité
optimisante aux comportements altruistes en intégrant dans la fonction d’utilité du
donneur, l’utilité du receveur. L’altruisme n’est alors rien d’autre qu’un comportement
égoïste.
En ajoutant plus de rationalité à la rationalité, ces auteurs certes assument avec zèle la
méthodologie à la base de leur discipline mais ne répondent donc pas aux critiques
émises précédemment sur le principe même de l’optimisation. Pour ce faire, il faut en
effet penser d’emblée la rationalité comme imparfaite.
3) La rationalité limitée
Plutôt que de chercher à sauver la rationalité parfaite aux prix de certaines
incohérences, d’autres auteurs ont établie une véritable théorie de la rationalité limitée
qui tient compte de l’incapacité des individus à être pleinement rationnels.
• Dans un premier temps, Simon (1955) établit que l’être humain n’ayant pas les
capacités suffisantes pour appréhender pleinement son environnement ne peut
atteindre l’optimum et doit alors se contenter de choix satisfaisants.
• Dans un deuxième temps, la rationalité procédurale complète l’idée initiale de
Simon. Elle consiste en l’adoption par les individus de stratégies conçues pour
réduire les risques de comportements irrationnels. Ainsi, à défaut de pouvoir se
comporter de façon pleinement maximisatrice, les individus tentent au moins
d’éviter les comportements irrationnels.
• Dans un troisième temps, est prise en compte la façon dont les individus peuvent
gérer leur rationalité imparfaite. Sachant qu’ils souffrent d’akrasie, de faiblesse
de la volonté, les individus s’imposent des contraintes (exemple : Ulysse et les
sirènes).
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
4
Avec ces théories, les limites au comportement rationnel ne résident pas dans
l’environnement des individus mais en eux‐mêmes.
4) La rationalité étendue.
Si la rationalité limitée répond à l’exigence trop élevée de la rationalité substantive en
terme de capacités cognitives, elle ne permet toujours pas de prendre en compte les
comportements de type altruiste. Pour certains auteurs, sympathiser avec autrui peut
traduire l’existence, au sein d’un même individu, de plusieurs préférences morales. Les
individus ne sont plus considérés comme constitués d’un moi unique (égoïste) mais de
moi multiples (« multiple selves », composés d’au moins deux dimensions, égoïste et
altruiste). Dans une structure à moi multiple (telle que développée par Sen ou Harsanyi),
les préférences peuvent être ordonnées de façon à intégrer des préférences
communautaires. Pour Margolis par exemple, l’égoïsme renvoie à l’intérêt personnel
alors que l’altruisme se réfère aux préférences d’un individu en tant que membre d’un
groupe.
Toutefois, tous ces amendements du concept de rationalité en terme explicatif se font au
détriment du prédictif : tout comportement humain devient explicable mais
imprévisible. Or la visée première de l’économie est de prédire les faits à venir… Le
même type de problème se retrouve au niveau de quelques grands outils de la science
économique.
B/ Les grands outils de la science économique.
1) La théorie des jeux
Von Neumann et Morgenstern, les promoteurs de cette théorie, voyaient en cet outil le
pouvoir de prévoir le résultat de la décision d’un individu rationnel en interaction avec
d’autres individus tout autant rationnels (la rationalité est en plus supposée être de
connaissance commune). Cependant, les développements de la théorie des jeux se
heurtent à deux contraintes difficilement compatibles : d’une part réviser la rationalité
de l’agent économique, d’autre part prévoir les interactions stratégiques. En se
soumettant à la première contrainte, la théorie des jeux s’éloignera de la seconde et ne
remplira donc que partiellement l’objectif initial de Von Neumann et Morgenstern.
Vouloir définir une forme plus humaine ou sociale de rationalité en plaçant les individus
en interaction rend difficile la prédiction de l’issue du jeu malgré la sophistication
croissante de cet outil.
2) L’économétrie
L’objet de l’économétrie est de déduire les théories économiques de l’observation des
faits. Mais dès le XIXème siècle, des auteurs tels que Mill restent sceptiques quant à
l’utilisation d’une telle méthode (l’inférence statistique) en sciences sociales. Si les
sciences expérimentales peuvent établir des lois à partir de la répétition d’observations,
les sciences sociales (dont l’économie) se heurtent à la difficulté de séparer les causes
fictives des causes réelles. Le passage de la description à la prescription, c’est‐à‐dire la
construction de modèles permettant de prendre des mesures de politiques
économiques, suppose l’identification de relations causales.
2008-12-8 18:24:38

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
5
Si cette identification n’est pas possible, l’économètre a alors pour méthode (ou
habitude) de ne pas prendre en compte les variables perturbatrices du modèle…
Le débat suggère alors l’existence préalable d’une théorie alors même que la vocation de
l’économétrie est de confronter la théorie aux faits. Pour contourner cet obstacle,
l’économétrie multiplie les concessions, s’éloignant progressivement des ses objectifs
initiaux.
Conclusion : nous pouvons voir que tant le concept de rationalité lui‐même que les outils
de l’économiste se sont certes enrichis mais au détriment des perspectives initiales de
prédiction :
• Le critère de rationalité était initialement conçu afin de ramener la diversité des
motifs à un seul type de comportement en vue de permettre la prédiction des
comportements individuels. Or les évolutions récentes de ce concept vont en sens
inverses : toutes les actions peuvent être expliquées mais ne peuvent plus être
prédites…
• Les techniques économiques prônaient les mêmes ambitions. La théorie des jeux
devait permettre de prédire les issues stratégiques d’individus rationnels en
interaction. Mais le passage à une rationalité plus humaine et sociale s’est faîte au
détriment de la prédiction de l’issue des jeux. Pour l’économétrie, voulant
construire des modèles prédictifs à partir de l’observation des faits, elle se
retrouve confrontée à la nécessité d’une théorie préalable à l’observation.
II Epistémologie de l’économie
Si jusqu’à présent nous nous sommes penchés sur les outils méthodologiques de
l’économie, nous n’avons pas abordé la question de sa scientificité, ni du statut
ontologique que l’économiste prête à l’agent économique avec l’individualisme
méthodologique. Avant d’aborder ces deux questions, il est important de présenter les
deux grandes constructions épistémologiques évoquées dans ces deux débats (statut
ontologique et scientificité).
A/ Constructions épistémologiques employées
La plus grande controverse épistémologique a été déclenchée par Friedman en 1953
dans son article Essay on the methodology of Positive Economics. Loin de s’encombrer de
raffinements, de documentations et de références à la philosophie des sciences,
Friedman attribue, sur un ton rudimentaire ne laissant aucune part au doute, une
conception purement instrumentaliste de la science à l’économie : peu importe le
réalisme des hypothèses, la théorie se doit de « prédire » correctement les faits… Pour
Friedman, la théorie économique se doit de raconter une histoire où tout se passe comme
si… Mais une histoire nécessairement fausse et même, insiste Friedman, d’autant
meilleure qu’elle est plus fausse…
Pourtant, Friedman, dont l’oeuvre se résume essentiellement à la Théorie Quantitative
de la Monnaie, a toujours soutenu que cette relation quantitative décrit le véritable
enchaînement causal des phénomènes et non un simulacre de réalité. Alors pourquoi cet
article ? Probablement pour jeter un pavé dans la marre de l’économie de l’époque, toute
dévouée à Samuelson (deuxième prix Nobel décerné à un économiste en 1970 alors que
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
6
Friedman devra attendre 1976) dont la carrière était assise sur la réécriture des
Fondements de l’analyse économique (1947) dans lesquels il se faisait le défenseur du
réalisme des hypothèses : toute proposition doit être fondée sur des réalités empiriques
avérées.
C’est cette polémique « opérationnalisme versus instrumentalisme » qui représente une
page importante de la petite histoire de l’épistémologie économique, car elle est à
l’origine de l’intérêt croissant des économistes pour les questions épistémologiques.
1) Mill et les tenants d’une épistémologie séparée.
John Stuart Mill est un philosophe et économiste du XIXème siècle dont l’influence fut
importante, notamment en Grande Bretagne. Éclectique, sa pensée se penche sur de
nombreux sujets et apparaît parfois en contradiction avec elle‐même. Tel est le cas
lorsque Mill, traitant des questions épistémologiques, distingue l’épistémologie de
l’économie d’une épistémologie générale.
En effet, Mill dégage deux manières de procéder en science :
• La méthode inductive (ou a posteriori) : méthode qui part de l’observation des
faits pour atteindre la règle.
• La méthode déductive (ou a priori) : qui correspond au raisonnement à partir de
prémisses hypothétiques.
Selon cet auteur, seule la première méthode permet de découvrir la vérité c’est‐à‐dire
les lois auxquels sont soumis les phénomènes. Il n’y aurait donc de science
qu’expérimentale. Et l’économie n’aurait alors aucun statut scientifique.
Pourtant Mill soutient que non seulement la méthode a priori est légitime en sciences
morales mais qu’en plus elle est la seule valide.
C’est ce schéma de pensée qui distingue l’économie politique des autres sciences
générales, qui anticipe de quelques décennies ce qui deviendra à la fin du XIXème la
conception dominante de la pensée scientifique : la méthode hypothético‐déductive
(méthode qui consiste à formuler une hypothèse afin d'en déduire des conséquences
observables futures (prédiction) ‐ mais également passées (rétrodiction) ‐ permettant
d'en déterminer la validité.).
2) Popper et les tenants d’une épistémologie unifiée.
Il ne s’agit plus de méthode inductive ou hypothético‐déductive mais de la méthode
avancée par Popper. Pour Popper, le problème fondamental en philosophie des sciences
est celui de la démarcation : c'est la question de la distinction entre ce qui relève de la
science et ce qui n’en relève pas.
Pour comprendre ce problème, il faut d'abord s'interroger sur la place de l'induction
dans la découverte scientifique : toutes les sciences sont basées sur l'observation du
monde. Comme cette observation est par nature partielle, la seule approche possible
consiste à tirer des lois générales de ces observations. Si cette démarche permet
d'avancer, elle ne garantit en aucun cas la justesse des conclusions. Pour Popper, il faut
2008-12-8 18:25:11

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
7
donc prendre au sérieux l'analyse de Hume qui montre l'invalidité fréquente de
l'induction.
Par exemple, une collection d'observations (« Je vois passer des cygnes blancs ») ne
permet jamais d'induire logiquement une proposition générale (« Tous les cygnes sont
blancs »), car la seule observation ne dit rien des observations à venir ; il reste possible
qu'une seule observation contraire (« J'ai vu passer un cygne noir ») l'invalide.
Cette critique de l'induction conduit donc Popper à remettre en cause l'idée de
vérification. Plutôt que de parler de « vérification » d'une hypothèse, Popper parlera de «
corroboration », c’est‐à‐dire d'observation qui va dans le sens prévu par la théorie. Or,
même par un grand nombre d'expériences, la corroboration ne permet pas de conclure à
la « vérité » d'une hypothèse générale (supposée valide pour toutes les observations
jusqu'à la fin des temps).
Une proposition scientifique n'est donc pas une proposition vérifiée ‐ ni même vérifiable
par l'expérience ‐, mais une proposition réfutable (ou falsifiable) dont on ne peut
affirmer qu'elle ne sera jamais réfutée. La proposition « Dieu existe » est pour Popper
dotée de sens, mais elle n'est pas scientifique, car elle n'est pas réfutable. La proposition
« tous les cygnes sont blancs » est une conjecture scientifique. Si j'observe un cygne noir,
cette proposition sera réfutée. C'est donc la démarche de conjectures et de réfutations
qui permet de faire croître les connaissances scientifiques.
Dans cette démarche, la théorie doit donc précéder l'observation, et Popper rejette ainsi
la méthode de l'induction. Il va lui substituer le principe de la réfutabilité (anglais :
falsifiability). C'est ce principe qui va être le critère de démarcation entre Science et
« Non‐Science ».
Il peut être ainsi formulé : si on entend par énoncé de base un rapport d'observation,
nous pouvons dire qu'une théorie est scientifique si elle se divise en deux sous‐classes
d'énoncés de base :
• la classe des énoncés qui la contredisent, appelés falsifieurs potentiels (si ces
énoncés sont vrais la théorie est fausse);
• la classe des énoncés avec lesquels elle s'accorde (si ces énoncés sont vrais, ils la
corroborent).
Ainsi, selon que les résultats théoriques seront ou non en harmonie avec les faits
expérimentaux, la conjecture sera corroborée (en attendant la prochaine
expérimentation cruciale) ou réfutée. Le savoir scientifique est donc constitué de
théories provisoires en attente de « falsification » et cette dynamique de la conjecture et
de la réfutation qui assure la dynamique scientifique.
C’est à partir de cette nouvelle épistémologie popperienne que Blaug dans son ouvrage
The Methodology of Economics (début des 80’s) revisite l’épistémologie économique.
Mais en confondant les aspects normatif et pratique de la position poppérienne, Blaug
appelle les économistes à quitter leurs pratiques scientifiques douteuses pour des
pratiques en conformité poppérienne. En conclusion pour Blaug, l’économiste
n’atteindra le statut de scientifique que s’il accepte en échange d’abandonner tout ce
qu’il sait faire !
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
8
Cela montre bien que l’économiste, fasciné par la stature d’homme de science, en serait
prêt à sacrifier son âme…
B/ La science économique est‐elle une science ?
1) Le complexe originel
La question que se pose plus précisément l’économiste est « la science économique estelle
une science dure ». La science dure ici visée est la science physique contemporaine.
Or, selon Bachelard, « dans le détail des connaissances comme dans la structure
générale du savoir, la science physique contemporaine se présente comme une
incontestable nouveauté ». « Le nouvel esprit scientifique » souffle sur la physique et la
cristallise en science dure. L’interrogation de l’économiste pourrait être alors lié à
l’envie de retrouver un rang momentanément perdu à la pointe de l’activité scientifique.
Mais non, l’économiste n’est pas envieux, il est complexé… Et l’analyse de ce complexe
renvoie aux origines et aux fondements de l’économie politique.
C’est au XVIIIème siècle que l’économie politique obtient son indépendance vis à vis de
la philosophie sociale en privilégiant l’activité économique dans la compréhension du
lien social. Or au même moment une autre forme de pensée, sur un autre domaine,
s’affranchit de la philosophie : la pensée scientifique. Si la pensée philosophique était
noble, au XVIIIème siècle on assiste à l’explosion de la pensée scientifique et de son
grand pouvoir explicatif. L’économie est alors tiraillée entre sa nature et son rêve : elle
se sait philosophie (et plus précisément philosophie sociale) mais se voudrait science
(sociale).
Et c’est ainsi que le complexe originel se manifeste dans un souci d’apparence qui
pousse l’économiste à copier la démarche du savoir scientifique de l’époque.
2) L’unité de la science
C’est bien cette unité poppérienne définie juste avant qui renforce le complexe originel
des économistes. Car l’épistémologie de Popper définit un critère entre science et non
science. La question ne se pose pas de l’aspect dur ou mou de la science économique
mais plus radicalement est‐elle une science ou non… ? Dès lors l’économiste entre dans
une pratique obsessionnelle afin de s’assurer le label scientifique : la mathématisation
de son discours. Et cette pratique a pris une tournure quelque peu alarmante depuis le
XXème siècle où des pans entiers de la théorie économique, en général les mieux côtés
de la profession, se détachent de plus en plus de tout objet économique clairement
identifié au profit de problèmes ou de paradoxes propres à l’outil mathématique utilisé.
Compte tenu des conditions de fonctionnement actuelles, l’économie est en train de
mettre en péril sa crédibilité. La tension entre son lieu d’origine qu’est la philosophie
sociale et le choix de son lieu qu’est la science sociale rend instable la relation entre son
objet (le lien social) et sa méthode. L’économie voit alors naître des attitudes opposées
allant de l’interdiction de tout formalisme en raison de la complexité de l’ordre social
(Hayek) à la réduction instrumentale du comportement humain à une mathématique du
choix rationnel (Becker)… Ces questions font perdre de vue aux économistes le
paradigme au fondement de leur discipline : l’individualisme méthodologique.
2008-12-8 18:25:43

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
9
C/ De quel individu parle‐t‐on ?
S’il demeure un point sur lequel les économistes restent unis dans leur discipline c’est
bien leur façon d’appréhender le lien social. Plus qu’une méthode d’analyse, c’est un
véritable paradigme, une sorte de prêt‐à‐penser qui dispense de tout questionnement
métaphysique, que partage les économistes : l’individualisme méthodologique.
1) Le paradigme individualiste
Prenons pour illustration de ce paradigme la célèbre loi de l’offre et de la demande et
observons les différentes étapes du raisonnement :
• 1ère étape : classer les acteurs du phénomène social étudié selon des catégories
comportementales préalablement définies : les offreurs et les demandeurs.
• 2ème étape : leur attribuer des comportements types, dénués de tout
particularisme psychologique. Si le prix augmente alors les offreurs désirent
vendre plus alors que les demandeurs désirent moins de bien et réciproquement.
• 3ème étape : faire la somme de toutes les actions individuelles pour obtenir
l’action sociale. Une addition simple est rendue possible par l’homogénéisation
des comportements à l’étape précédente. Attention tout de même de ne pas
perdre de vue que l’action collective en elle‐même n’est pas directement
observable dans la réalité : on peut bien mesurer le niveau de la demande globale
mais la courbe de demande globale reste insaisissable.
• 4ème étape : faire émerger le prix du marché déterminé par l’intersection des
courbes d’offres et de demandes.
Le raisonnement est parfaitement carré, avec les deux premières étapes strictement
hypothétiques et les deux dernières rigoureusement déductives. Mais ces hypothèses
sont de purs axiomes c’est‐à‐dire des vérités posées comme des évidences, sans
démonstration. À ce titre trois axiomes sont évoqués :
• Axiome 1 : l’atome logique est l’acteur individuel.
• Axiome 2 : les phénomènes étudiés sont émergents.
• Axiome 3 : l’étude porte sur les actions rationnelles.
Ces trois axiomes pourraient être discutés sans fin, cependant nous ne nous pencherons
que sur le premier, celui qui fait de l’individu l’atome logique de l’explication. De quel
individu parle‐t‐on ? S’agit‐il de vous et moi ou d’une créature imaginaire inventée de
toute pièce par l’économiste sans aucune ressemblance avec la réalité ? Se poser cette
question c’est s’interroger sur l’ontologie de l’individu invoqué par les économistes. Et
se poser cette question c’est enfin réfléchir sur l’indépendance idéologique de la
méthode scientifique retenue.
2) Une ontologie suspecte.
Supposons que cet individu ait un rapport avec la réalité. Cela signifierait alors que
l’essence de l’homme serait première (il est l’atome logique) et celle de la société
secondaire. Or c’est sur ce présupposé ontologique que repose l’idéologie libérale. La
méthode scientifique retenue ne serait donc pas indépendante idéologiquement.
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
10
2008-12-8 18:26:17

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
11
Chapitre 2 Économie normative et philosophie morale
I La théorie du choix social
Avec le siècle des Lumières et l’avènement de la raison rationnelle, il est admis que la
pensée scientifique permet à l’homme de maîtriser son destin. Avec l’économie positive
on explique les phénomènes sociaux et surtout économiques, on décrit ce qui est mais
non ce qui devrait être. Or maîtriser son destin, maîtriser les forces sociales, a pour but
l’amélioration des conditions sociales. Et se pencher sur ce qui devrait être implique une
évaluation c’est‐à‐dire un jugement s’appuyant sur un critère ou une norme. Pour
évaluer les états sociaux, l’économiste doit se référer à une véritable conception du bien
et du juste. Dans le domaine de l’économie normative, on distingue généralement trois
grands courants :
• Le premier, désigné sous le nom d’Économie du Bien‐Être, a pour origine
l’utilitarisme benthamien. Il demeure le courant dominant.
• Le deuxième date du XXème siècle et avance l’adoption d’une autre norme
(l’optimum parétien) et correspond à ce que l’on appelle la Nouvelle Économie du
Bien‐Être.
• Le troisième, regroupant ce que l’on appellera les théories de la justice sociale,
correspond à un élargissement de la problématique de l’économie normative.
A/ De l’utilitarisme à l’économie du Bien‐Être
1) L’utilitarisme
La version initiale de l’utilitarisme de Bentham est fondée sur le passage au niveau
collectif d’un principe d’utilité défini au niveau individuel.
• Au niveau individuel : est juste le comportement qui, pour un être capable de
sensations, maximise l’excès de plaisirs sur les peines
• Au niveau collectif : chacun compte exactement pour un. Le bonheur du tout
social, de la société, correspond à la somme des plaisirs et peines ressentis par
l’ensemble des individus. La justice sociale consiste donc en la maximisation de
cette somme. La norme qu’érige Bentham en maxime de l’utilitarisme est « Le
bonheur du plus grand nombre »
Ce critère conséquentialiste ne pose aucune condition sur les intentions des agents, peu
importe les moyens , c’est la fin, c’est‐à‐dire le plus grand bonheur du plus grand
nombre qui compte. Il rend donc possible le sacrifice du petit nombre au profit du plus
grand.
2) Utilité et économie du Bien‐Être
La première question est de savoir quelle fonction de bien‐être social maximiser ? Si
Bentham pose la simple sommation, comment une telle sommation est‐elle possible ?
Cela suppose nécessairement le cardinalisme des utilités car la maximisation du
bonheur collectif suppose l’agrégation des utilités individuelles en un indice numérique
qui traduit l’utilité collective de l’état social. Or il ne suffit pas de connaître le classement
des différents états sociaux mais aussi l’intensité des préférences qui s’y rapportent.
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
12
Les tenants de cette norme ont pour défense de dire que la cardinalisation des
préférences peut être incomplète. Il n’est pas nécessaire de connaître les niveaux
d’utilités absolus de chaque individu dans chaque état social mais seulement mais
seulement les gains et pertes d’utilités nets consécutifs à chaque changement d’état
social. Ainsi on fait le compte des variations positives de ceux qui y gagnent et des
variations négatives de ceux qui y perdent. Mais ces comparaisons interpersonnelles
supposent également de pouvoir comparer des niveaux de bien‐être d’individus
différents, exprimés dans des échelles a priori différentes.
La deuxième est de savoir l’étendue des utilités à prendre en compte. Car si Bentham par
d’être capable de sensation, doit‐on inclure les animaux ? Si cette interrogation relève
des frontières dans l’espace, qu’en est‐il des frontières dans le temps : devons‐nous
inclure les générations futures (notamment avec les problèmes écologiques) ?
Enfin, si les intentions sont exclues du raisonnement, nous pouvons tout de même nous
interroger sur le type de plaisirs. Mill, auteur dont nous avons déjà discuté, faisait pour
sa part la différence entre les plaisirs du corps et ceux de l’intellect.
B/ La nouvelle économie du Bien‐Être
L’apport de Bentham en économie est double : il apporte un critère normatif (le plus
grand bonheur du plus grand nombre) mais également un concept de base (l’utilité).
Sauf que pour pouvoir être appliqué, le critère utilitariste nécessite que les préférences
individuelles soient comparables. Mais que se passe‐t‐il si les niveaux de bien‐être
d’individus différents ne peuvent être comparés ? Si les utilités (cardinales) sont
incommensurables ? C’est Robbins (1938) qui conserve dans la nouvelle économie du
bien‐être le concept d’utilité tout en tenant compte du fait que les préférences sont
incomparables. Il propose de recourir au concept d’utilité ordinale. Il suffit de savoir
qu’un état social x et préféré à un autre y sans pour autant connaître l’intensité de cette
préférence. Le critère normatif retenu est celui de Pareto.
Il existe à ce titre une confusion parmi les économistes car le concept d’optimum
parétien tel qu’ils l’entendent ne correspond pas vraiment à la définition qu’en donnait
son auteur. En effet Pareto distingue deux concepts :
• Le maximum d’ophélimité qui correspond à la satisfaction maximale que retire
un individu de la consommation de biens et services uniquement économiques
• Le maximum d’utilité qui correspond à la satisfaction maximale qui intègre
également les relations sociales et politiques.
Le maximum d’ophélimité est un concept plus étroit que ce celui d’utilité et pourtant les
économistes ne gardèrent que le terme utilité (plus large) pour caractériser les
satisfactions économiques (plus étroites selon Pareto). Le maximum d’ophélimité pour
la société s’est donc transformé en optimum de Pareto là où l’auteur lui‐même ne voyait
qu’un état intermédiaire pouvant ou devant être amélioré par des considérations non
économiques (ce qu’il nomme l’utilité).
Parce que l’optimum de Pareto se définit comme l’état dans lequel le bien‐être d’un
individu ne peut être amélioré sans détériorer celui d’un autre, on comprend en quoi ce
critère s’oppose à celui de l’utilitarisme de Bentham. Ce dernier, en prônant le plus
2008-12-8 18:26:54

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
13
grand bonheur du plus grand nombre, faisait prévaloir la majorité au détriment des
minorités. Or dans le cas du critère parétien, on voit bien que c’est l’unanimité qui
prévaut. Et si l’unanimité est atteinte, c’est bien que c’est le meilleur état social.
La nouvelle économie du bien‐être se veut normative mais souhaite également donner
les moyens d’obtenir des états à la fois justes (le moindre sacrifice du petit nombre) et
efficaces. En économie, l’efficacité renvoie à la concurrence pure et parfaite. Ce sont les
tentatives pour démontrer la relation entre optimalité parétienne et efficacité
concurrentielle qui ont mené à la formulation des deux théorèmes du bien‐être :
• Tout équilibre concurrentiel est un optimum de Pareto
• Il existe toujours un système de prix et une distribution des dotations initiales
tels qu’un optimum de Pareto soit un équilibre général concurrentiel.
Montrer la relation entre optimalité parétienne et concurrence est fondamental mais
encore faut‐il que ce critère soit applicable en pratique. Or la clause d’unanimité est
difficilement tenable. Cette limite pourrait alors être contournée par un système de
compensation.
L’idée est la suivante : puisqu’un optimum de Pareto correspond à l’état où
l’amélioration de la situation d’un individu ne peut se faire qu’en détériorant celle d’un
autre, autant indemniser les perdants du changement d’état social. Il faudrait verser à
ces derniers un paiement compensatoire correspondant à la perte qu’ils subissent.
Mais malgré cette possibilité de compensation, il n’en demeure pas moins que le critère
parétien reste un critère partiel puisqu’en présence de plusieurs optima de Pareto, la
nouvelle économie du bien‐être ne permet pas de choisir…
Il semble alors difficile a priori, à l’économiste welfariste des années 70 de sortir du
dilemme entre justice « agrégative » (utilitarisme benthamien où la fonction de bien‐être
est la somme, l’agrégation, des fonctions de bien‐être individuelles) et la contrainte
parétienne d’unanimité.
C/ Les comparaisons « intra‐personnelles » d’utilité.
Pourtant, une voie étroite de recherche est explorée par deux auteurs, Kolm (1972) et
Varian (1974), qui tentent un compromis entre l’ancienne et la nouvelle économie du
bien‐être : la théorie de la justice comme « absence d’envie ».
• De l’utilitarisme benthamien elle garde la volonté de procéder à des
comparaisons d’utilités (rappel : chez Bentham, le passage du niveau individuel
au niveau collectif par agrégation implique, pour qu’ils puissent être additionner,
la comparaison des gains de bien‐être des uns avec les pertes de bien‐être des
autres. Ces comparaisons entre les personnes sont appelées comparaisons
interpersonnelles).
• De la nouvelle économie du bien‐être elle garde le critère parétien d’unanimité et
surtout l’ordinalisme des utilités.
Ce compromis débouche sur la notion de comparaison intra‐personnelle d’utilité : faute
de pouvoir comparer les utilités d’individus différents (comparaison interpersonnelle),
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
14
un individu se projette par la pensée dans la position d’un autre tout en conservant ses
propres préférences : il se met à la place de l’autre et non dans sa peau.
Dès lors, l’absence d’envie se définit comme suit : si chacun préfère être à sa place plutôt
qu’à celle d’un autre.
Pour ces auteurs, un état social est équitable s’il y a absence totale d’envie ; un état social
est juste s’il y a équité (telle que l’on vient de la définir) et unanimité parétienne.
Les comparaisons intra‐personnelles présentent plusieurs avantages :
• Elles contournent l’obstacle de la mesure et de la variation d’utilités exprimées,
d’un individu à l’autre, dans des échelles a priori différentes : ici on a un seul
individu, donc une seule échelle, dans deux positions différentes.
• Elles traduisent un progrès par rapport à l’analyse parétienne où les individus
s’ignorent : ici ils se regardent et se comparent ouvertement.
Toutefois, les comparaisons intra‐personnelles supposent une grande impartialité des
individus. Il faudrait non seulement tenter de se mettre à la place d’autrui mais en plus
de le faire de manière objective, c’est‐à‐dire sans se laisser emporter par des sentiments
face au malheur ou au bonheur d’autrui.
C’est d’ailleurs pourquoi le terme d’envie, de l’aveu même de Varian, est mal approprié
car il renvoie au sentiment malsain de convoitise dont souffre l’envieux. Il s’agit plutôt
de ressentiment, sensation qui est la conséquence, dans l’esprit de ceux qui l’éprouvent,
d’institutions sociales injustes qui n’ont pas traité tous les individus de la même
manière.
Cette théorie de la justice comme absence d’envie (ou plutôt comme absence de
ressentiment) est prometteuse car elle permet de sélectionner, parmi l’ensemble des
optima de Pareto, les seuls états équitables sans envie. Malheureusement, les résultats
obtenus ne sont pas à la hauteur de ce que laissait initialement penser la théorie.
• Dans le contexte simplifié d’une économie d’échange, où il s’agit seulement de
répartir des biens déjà produits : si la répartition des dotations initiales est
parfaitement égalitaire et que les échanges se font sur des marchés
concurrentiels où les mêmes prix s’imposent à tous alors on atteint un état juste
par absence complète d’envie (on part tous avec les mêmes budgets et on a tous
accès aux mêmes biens aux mêmes prix, on ne peut donc être envieux de la
situation d’un autre…) Il peut toutefois exister des états justes mais inégalitaires
c’est‐à‐dire qui ne traitent pas de manière symétrique tous les individus, mais ils
ne résisteront pas forcément à un changement, l’envie peut ressurgir à tout
moment (il suffit qu’un individu change de goût ou que les préférences des
individus deviennent homogènes (tout le monde veut la même chose) et l’état
inégalitaire n’est plus juste en terme d’envie).
• Dans le passage à une économie de production, les choses se compliquent encore
plus du fait des différences d’aptitude entre individus (différences dans leurs
talents, capacité de travail, goût de l’effort etc…). Il n’existe dans ce cas de figure
plus aucune répartition juste. C’est pour pallier à ce problème qui renvoie à
l’égalité des chances, que Varian, en 1974, propose deux critères alternatifs :
2008-12-8 18:27:23

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
15
‐ L’envie illégitime : l’envie des moins talentueux devient illégitime si on
considère : 1) que seules les inégalités d’origine sociale doivent être
compensées (tout le monde sur la même ligne de départ) + 2) mais que
les inégalités d’origine naturelle n’ont pas à être neutralisées (que le
meilleur gagne)
‐ L’égalité des revenus potentiels : On est pas plus responsable du milieu
social où on est né que des aptitudes naturelles dont la loterie
génétique nous a doté. Il faut donc gérer tout ce qui en résulte comme
un patrimoine collectif à partager égalitairement. Il faut compenser les
différences de revenus entre les moins productifs et les plus
talentueux. Et cette fois ce sont eux qui envient les moins productifs
(ce que Dworkin appellera plus tard « l’esclavage des plus
talentueux »).
Même si les théories de la non‐envie ne sont pas parvenues à amener une stabilité dans
les théories welfaristes de la justice, elles ont au moins pointé les thèmes de l’égalité et
de la responsabilité qui deviennent centraux dans les théories post‐welfaristes de la
justice sociale.
D/ Les théories de la justice post‐welfaristes :
En affirmant « Mon but est d’élaborer une théorie de la justice qui représente une
solution de rechange à la pensée utilitariste en général et donc à toutes les versions
différentes qui peuvent en exister », Rawls, en 1971, avec son ouvrage A Theory of
Justice, a définitivement marqué la recherche en économie normative. Non seulement il
fallait remplacer la perspective « welfariste » héritée de l’utilitarisme mais en plus il
fallait dépasser la conception libérale de l’égalité formelle des chances (égalité formelle
des chances : absence de barrière juridique à la mobilité sociale mais souvent très
insuffisant pour une égalité réelle des chances – exemple de la France).
C’est donc vers la question de l’égalité que se sont tournées ces théories. Elles se sont
également avancées en théories d’une justice procédurale.
1) L’importance de l’égalité.
a) Rawls et les principes de justice.
En premier lieu, Rawls adopte une conception kantienne de l’individu pour mieux
rejeter l’utilitarisme. Il oppose à l’idée d’un individu rationnel et calculateur celle d’un
être raisonnable, capable de considérations morales. Alors que pour l’utilitarisme, le
bien est obtenu à partir de la maximisation des bien‐être individuels, Rawls rejette tout
primat du bien sur le juste. Il propose une justice procédurale (où le Juste est supérieur
au Bien) et non conséquentialiste (où le Bien est supérieur au Juste).
Les normes de justice sont le résultat d’un accord unanime dans une situation initiale
équitable où les individus sont considérés comme des êtres moraux. Mais, dit Rawls,
« Pour que l’accord sur les principes de justice soit vraiment équitable, il est nécessaire
de trouver un point de vue qui ne soit pas influencé par les circonstances particulières
des participants et de leurs intérêts ». C’est donc sous voile d’ignorance que les individus
doivent délibérer dans la position originelle, situation fictive (proche de l’état de nature
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
16
des théoriciens du contrat social) dans laquelle les individus délibèrent librement et en
toute égalité. C’est en respectant cette procédure que le résultat sera garanti juste. Il en
résulte deux principes de justice.
Avant de présenter les principes en eux‐mêmes, il est nécessaire de présenter ce que
Rawls appelle les « biens premiers sociaux » c’est‐à‐dire les biens que recherche chaque
individu pour réaliser son projet personnel de vie :
• (a) droits et libertés fondamentales (liberté de pensée, d’association…)
• (b) liberté d’orientation vers diverses positions sociales
• (c) pouvoirs et prérogatives attachés aux fonctions de responsabilité politiques et
économiques
• (d) revenu et richesse
• (e) bases sociales du respect de soi‐même
Les deux principes de justice de Rawls (en réalité trois), nés de la délibération sous voile
d’ignorance, sont les suivants :
• Premier principe : le « principe d’égales libertés » est énoncé ainsi : "Chaque
personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base
égales pour tous, compatible avec le même système pour les autres". Il implique
une égalité parfaite d’accès aux biens (a).
• Deuxième principe : le « principe de différence » selon lequel "Les inégalités
sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois, on
puisse raisonnablement s'attendre à ce qu'elles soient à l'avantage de chacun
(2a), et à ce qu'elles soient attachées à des positions et des fonctions ouvertes à
tous (2b)"
Il intègre donc deux sous‐principes :
‐ le « principe de juste égalité des chances » (2b) qui implique une
égalité parfaite d’accès aux biens (b)
‐ le « principe de différence » à proprement parler, qui n’intervient que
dans un troisième temps et ne tolère une inégalité d’accès aux autres
biens premiers (c) (d) et (e) que pour maximiser le volume de ces
biens détenu par le groupe social le plus défavorisé
[on peut alors préférer une société fortement inégalitaire mais où le
sort des plus démunis est plus favorable que dans une société moins
inégalitaire mais où le sort des plus démunis est moins favorable]
Ainsi, les deux volets du second principe de justice luttent contre l’arbitraire moral tel
que le conçoit Rawls :
• Réduire les inégalités liées au milieu social d’origine, et dont les individus ne
sont pas responsables, en rendant accessibles aux plus démunis les
ressources (notamment éducatives) qui leur font spontanément défaut
• Réduire les différences de richesse entre des individus nés avec capacités
naturelles différentes (loterie génétique). Ce principe de différence définit de
justes inégalités qui, d’une part, incitent les plus talentueux à développer leurs
capacités productives par la perspective de revenus stimulant mais qui,
d’autre part, redistribuent à chacun (à commencer par les plus défavorisés), la
part la plus élevée possible des revenus ainsi générés.
2008-12-8 18:27:49

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
17
Mais chez Rawls, si les individus ne sont pas méritant de leur milieu social d’origine, pas
plus que de leurs capacités naturelles, ils restent pleinement responsables du choix et de
la poursuite de leurs projets de vie. Les institutions sociales justes ne sont soumises qu’à
une obligation de moyens en garantissant à chacun un accès équitable aux biens sociaux
premiers mais non à une obligation de résultat : la réalisation incomplète d’un projet
personnel de vie ne peut être attribuée à l’insuffisance de biens premiers, notamment si
le projet repose sur des « goûts dispendieux » difficiles à satisfaire.
Toutefois, qu’en est‐il, non pas des goûts couteux mais des besoins couteux de certains
individus, besoins liés par exemple à la maladie ou au handicap, puisque les soins
médicaux ne font pas partie des biens premiers sociaux auxquels la société juste favorise
un accès équitable ? Rawls répond à cette critique en rappelant :
« J’ai fait l’hypothèse que chacun a des besoins physiques et des
capacités psychiques qui ne sortent pas de la normale afin d’éliminer
les problèmes posés par les traitements des handicapés mentaux ou
autres. En introduisant trop tôt des problèmes de ce genre, nous
risquons de sortir de la théorie de la justice et la considération de ces
cas difficiles peut détourner notre perception morale en nous faisant
penser à des personnes très éloignées de nous dont le sort éveille la
pitié et l’inquiétude ».
b) Sen et l’égalité des capabilities.
C’est dans un souci de prise en compte de ces cas difficiles que Sen considère que
l’égalité ne doit pas porter sur l’ensemble des biens premiers sociaux comme le soutient
Rawls mais sur l’ensemble des modes de vie accessibles à l’individu, ce qu’il appelle
« capability ». Ce transfert des biens vers les modes de vie accessibles passe par trois
étapes :
• Même si les individus ont un accès aux mêmes biens premiers, ils n’ont pas tous
les mêmes aptitudes à les convertir en modes de vie accessibles par ces biens. Un
mode de vie est une série de « functionings » c’est à dire une série d’états (être
correctement nourri par exemple) ou d’actions (prendre part à la vie politique
par exemple). L’objet de la justice porte bien sur l’usage fait des biens plutôt que
sur les biens eux‐mêmes. C’est aussi là qu’apparaissent les limites de la
responsabilité personnelle. « l’esclave maltraité, la femme au foyer asservie, le
chômeur décourage, le pauvre désespéré » n’envisagent que des modes de vie
modestes non seulement en raison de leurs ressources mais aussi des faibles
choix que leur laisse leur condition. Le cas d’une personne analphabète mais
capable d’acheter des livres pour les exposer dans son salon est moins clair : estelle
ou non vraiment incapable d’apprendre à lire ?
• Pour que la responsabilité des individus puisse être mise en cause dans
l’évaluation de leur situation il faut qu’ils aient eu le choix réel du mode de vie qui
est le leur. Sen fait la comparaison très parlante entre la personne riche qui fait
une grève de la faim et une personne qui meurt de faim faute de pouvoir acheter
de quoi manger. Si leur bien‐être physiologique est équivalent, le gréviste de la
faim a eu le choix de mettre en danger sa vie pour ses convictions personnelles
dont il assume seul la responsabilité (sauf endoctrinement dans une secte), par
ailleurs cette responsabilité est engagée tant que sa lucidité lui permet à tout
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
18
moment de mettre fin à cette grève. A l’inverse, le pauvre qui meurt de faim n’a
pas eu et n’a pas d’autre choix que d’accepter sa condition pour laquelle la
responsabilité de la société ne peut être écartée.
Dès lors, l’espace pertinent pour juger de chaque cas est bien celui de l’ensemble
des modes de vie accessibles (capability) et non pas le seul mode de vie observé
(functionings).
Sen, en privilégiant la liberté de choix, prend en compte l’étendue de la liberté au
delà de la seule garantie des moyens de la liberté comme chez Rawls.
• La justice égalitaire de Sen porte sur l’égalité des capabilities. La norme de justice
est la suivante : l’ensemble des modes de vie entre lesquels les individus auront à
choisir doit être le même pour tous ; le choix de modes de vie différents ne relève
alors d’aucune injustice et n’a donc pas à être compensé.
Toutefois, malgré la clarté de ce principe, son application n’en demeure pas moins
délicate… Comment évaluer l’ensemble des modes de vie à égaliser ? On pourrait être
tenté de ne retenir qu’une liste de functionings jugés fondamentaux par l’instance
supérieure et l’égalité ne porterait alors que sur la capability de base ainsi définie, dont
la disponibilité serait garantie à chacun. Mais cela reviendrait alors à ne pas prendre en
compte les goûts et désirs personnels car un passionné de danse pourrait s’insurger que
« danser le tango comme Gardel » n’ait pas été retenu parmi les functionings
fondamentaux. Des variations dans l’appréciation subjective de tel ou tel functionings
parmi les individus rend difficile les comparaisons des capabilities de deux individus
pour juger de leur égalité…
Pour répondre à cette nouvelle version du problème des comparaisons
interpersonnelles déjà présent dans l’utilitarisme, Sen propose des solutions très
pragmatiques :
• D’une part établir une liste de functionings de portée universelle (comparable à la
liste des biens premiers sociaux de Rawls), liste pouvant varier d’une société à
l’autre. Car s’il s’agit par exemple d’étudier la place des femmes, le functioning
« accéder à un poste à hautes responsabilités » dans un pays développé devra
être remplacé par le functioning « pouvoir divorcer » dans une société
traditionnelle où la répudiation par l’homme est la règle ;
• D’autre part, les différences d’appréciation interpersonnelle rendent impossible
la recherche d’un ordre complet acceptable par tous, il faudra se contenter
d’ordres partiels.
C’est ainsi que dans le souci de mener des études concrètes, Sen reconnaît qu’il n’existe à
ses yeux aucune réponse absolue à la question de la justice sociale alors même qu’il
reprochait à Rawls son refus de prendre en compte les situations particulières et donc
l’insuffisance de la portée de sa théorie…
2) La justice procédurale.
a) Nozick, une procédure de justice pure
C’est la principale critique libertarienne à l’encontre de Rawls, elle est contenue dans
l’ouvrage Anarchy, state and utopia de Nozick (1974).
2008-12-8 18:30:35

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
19
Pour Nozick, une procédure pure de justice repose sur deux critères : la juste acquisition
et le juste transfert.
« Une répartition est juste si elle provient d’une autre répartition
juste grâce à des moyens légitimes. Les moyens légitimes de passage
d’une répartition à l’autre sont fournis par le principe de justice dans
les transferts. Les premières mutations légitimes sont définies par le
principe de juste acquisition. La répartition, quelle qu’elle soit, issue
par étapes justes d’une situation juste est elle‐même juste. »
Il est alors indispensable de posséder un critère qui rende légitime l’appropriation. Chez
les libertariens, la propriété privée est fondée sur les droits absolus dont sont dotés les
individus : droits sur leur propre personne, sur les biens qu’ils ont découverts et
transformés, ainsi que sur les propriétés qu’ils ont reçues des autres individus.
Ce critère établit ainsi la justice sur la base de transferts justes et sur appropriation
originelle légitime. Mais cette dernière pose des problèmes pratiques (comment savoir
qui étaient les premiers propriétaires ?) et éthiques (une éthique du type finderskeepers
a‐t‐elle une véritable portée morale ?). Nozick répond en ajoutant une « clause
lockéenne » qui signifie que chaque homme peut s’approprier ce qu’il trouve, sous
réserve de ne pas remettre en cause directement le droit des autres à la vie.
Une dernière question se pose quant à la protection des droits de propriété. L’anarchocapitalisme,
comme son nom l’indique, refuse toute intervention de l’Etat (en particulier
parce que dès lors qu’un Etat apparaît, il cherche à accroître son domaine de
compétence). Or dans un état de nature les droits de propriété ne peuvent être protégés
spontanément. Pour Nozick, ce sont des agences privées qui sont en charge de cette
question. Pourtant ces institutions privées pourraient elles aussi accroître leur pouvoir.
Par le jeu même du marché ces agences se concentreront donnant naissance à un
monopole de la protection des droits de propriétés…
b) Hayek, justice sociale et complexité.
Pour cet auteur, la justice sociale découle de l’existence de « règles de juste conduite ».
Considérant l’ordre comme spontané, l’ordre social n’est explicitement produit par
aucun individu et encore moins par l’Etat. Ce sont les interactions répétées des individus
qui, en créant des régularités de comportement et permettant donc des anticipations,
engendrent un ordre social et donc des règles. La complexité sociale se caractérise par le
fait que les individus n’ont pas la connaissance explicite des règles qu’ils suivent.
Une société ordonnée repose donc sur un ensemble de règles abstraites qui ne sont
totalement connues de personne et qui s’adaptent au contexte social et historique. Leur
forme est donc susceptible d’évoluer et il revient au juge (plus qu’au politique)
d’identifier la nouvelle forme prise par la règle. Le juge n’invente donc pas les règles
mais se contente de découvrir sa meilleure expression. Les règles de juste conduite sont
émergentes.
C’est par un mécanisme évolutionniste que les règles sont sélectionnées : si un groupe
les a utilisées avec succès, les autres ont intérêt à les imiter.
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
20
La question qui se pose est celle de la justice contenue dans ces règles. Peut‐on être
certain que tout état spontanément sélectionné soit le meilleur ? La réponse est très
probablement non, ce dont Hayek était d’ailleurs parfaitement convaincu.
Conclusion : il est à noter que ce sont ces auteurs qui ont structuré le champ de la justice
sociale au XXème siècle. Ils n’établissent des normes de justice qu’en suggérant des
rapprochements ou des oppositions. Ils ouvrent les discussions autour de la justice
plutôt qu’ils ne les ferment dogmatiquement et sont des exemples du mouvement
perpétuel des questionnements en économie normative. Et on voit bien ici la nécessité
du dialogue entre économistes (Hayek, Sen) et philosophes (Rawls, Nozick) et donc la
pertinence de la philosophie économique.
II Au‐delà des questions économiques.
Dès le XVIIème siècle les économistes cherchent à conseiller le Prince sur la meilleure
façon de gérer son royaume. A la fin du XVIIIème siècle, les utilitaristes définissent une
norme qui permettra de prendre les bonnes mesures, celles qui amélioreront l’existence
des hommes. C’est ainsi que s’élaborent progressivement des critères de justice sociale.
Or pour cela, il faut descendre concrètement au niveau du phénomène particulier à
traiter. C’est cette application pratique qui pousse les économistes à aller au‐delà des
domaines dont ils s’occupent traditionnellement. C’est sur cette base que se développera
dans la seconde moitié du XXème siècle l’impérialisme économique.
C’est du point de vue ontologique (des présupposés) que peut‐être critiqué ce
phénomène mais non du point de vue méthodologique puisqu’il détient une véritable
cohérence interne. Quel que soit le crédit qu’on leur porte, les modèles qu’il fournit sont
cohérents et efficaces. C’est avec le formalisme et l’instrumentalisme que l’économiste a
été entrainé au delà de sa discipline. Il applique le principe d’économicité aux
comportements humains. Ce principe traduit l’attitude des hommes face à la rareté dans
leur environnement ; afin de maximiser leur utilité, les individus allouent des ressources
rares à leurs activités. Or, selon Becker « toute question qui pose un problème
d’allocation de ressources et de choix dans le cadre d’une situation de rareté
caractérisée par l’affrontement de finalités concurrentes relève de l’économie ». C’est
ainsi que l’impérialisme trouve son fondement. Tout choix suppose un coût
d’opportunité, que ce soit un choix portant sur les comportements individuels ou sur les
formes institutionnelles.
A/ L’économie des comportements individuels.
1) La rareté des ressources.
L’activité de consommation a longtemps été modélisée comme une gestion de la rareté.
Une première modification apportée par Becker consiste à voir en la consommation une
activité de production. Les individus ne consomment pas passivement des biens et
services pour eux‐mêmes mais les utilisent pour produire de la satisfaction. Consommer
c’est combiner des facteurs de production afin de produire un output : la satisfaction. Et
parmi les facteurs de production, Becker introduit, et c’est une seconde innovation, le
temps.
2008-12-8 18:32:00

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
21
Le temps est une ressource rare (le temps, c’est de l’argent). On peut en évaluer le prix
par le manque à gagner du non‐travail. Introduire le temps dans la contrainte de budget
des individus permet de montrer comment leur comportement est affecté par la gestion
du temps. Ce modèle économique peut expliquer la répartition des individus dans
l’espace (plus on est proche de son lieu de travail, moins la perte de revenu liée aux
déplacements sera grande), la fréquentation des églises par les personnes à revenus
moins élevés (personnes âgées ou de sexe féminin), la répartition des tâches ménagères
dans une famille (le membre ayant le revenu le plus faible s’occupe des tâches
ménagères) et donc du comportement des individus sur le marché du travail.
Au delà du temps, l’individu qui consomme doit disposer d’informations sur les biens.
Or, comme nous l’avons vu, l’information est rare et donc couteuse. Le comportement
est par conséquent affecté par la recherche d’information et par les conditions de son
utilisation (asymétries). Vivre en société nécessite des connaissances sur les modes de
comportement des autres individus. Ces informations sont généralement intégrées dans
les normes sociales, les moeurs ou les traditions. Sources d’informations, ces ensembles
de règles réduisent l’incertitude des comportements et diminuent les coûts liés à la vie
en société.
2) La rareté des capacités.
Produire des satisfactions nécessite également des talents, aptitudes et connaissances.
C’est l’ensemble de ces caractéristiques qui sont regroupées sous le terme « capital
humain ». Pour l’économiste, l’entretien de ce stock donne lieu à des dépenses présentes
et des rendements futurs. L’acquisition de ce stock est donc un investissement qui ne se
fera que si les rendements attendus sont supérieurs aux dépenses présentes (en terme
de flux actualisés). Dès lors, tout phénomène d’apprentissage est un calcul
d’investissement.
Trois domaines sont particulièrement concernés : l’éducation, la formation en entreprise
et la santé.
• Dans le cas de l’éducation, cela justifie le fait que la demande d’éducation soit
plus élevée de la part des jeunes que de la part des personnes plus âgées car pour
les plus jeunes, la période sur laquelle l’investissement sera rentabilisé est plus
longue. Cela justifie par le même raisonnement les différences de rémunération
en fonction de l’âge, du type de travail, car plus les individus réalisent un
investissement couteux, plus la rémunération demandée est élevée.
• Il en va de même pour la formation en entreprise : une entreprise ne formera ses
salariés, et ses salariés n’accepteront la formation, que si l’investissement est
réputé rentable.
• En ce qui concerne la santé, le comportement des individus peut être appréhendé
en terme d’entretien ou d’accroissement de leur capital humain. Le choix d’un
soin quelconque se fera uniquement si le gain attendu excède le coût présent
(exemples des opérations des sportifs de haut niveau)
Les conséquences en terme de politique à mettre en oeuvre sont assez immédiates. La
décision d’entretenir son stock de capital humain est individuelle. Le rôle de l’Etat doit
se limiter à faciliter les décisions des individus plutôt qu’à interférer avec elles. Dans le
domaine de l’éducation, imposer la scolarisation aux individus n’est pas la bonne
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
22
solution tant que cela va en contradiction avec leurs désirs : il est préférable de
subventionner les individus eux‐mêmes, leur laissant la responsabilité du choix. Dans le
domaine de la santé c’est la même chose, il est préférable d’indemniser les patients, leur
permettant de faire leur choix en toute liberté, plutôt que contrôler l’offre de soin.
3) L’analyse économique du crime
Il est tout à fait concevable que les individus préfèrent réduire leurs coûts de production
de satisfaction en se procurant les biens de façon illégale. L’analyse du crime prend son
origine dans l’article de Becker Crime and Punishment (1967). Cet article est une réponse
à l’ouvrage d’un psychiatre (Menninger) de 1966, The crime of punishment dans lequel
est soutenu que le criminel n’est pas responsable de ses actes.
Pour Becker, deux justifications rendent cette hypothèse difficilement acceptable :
• D’une part le vol n’est pas une activité nuisible en soi mais en raison du
gaspillage qu’il provoque : les ressources investies par le voleur comme celles
consacrées par la population à une défense efficace pourraient être affectées à
des activités plus productives.
• D’autre part, les contraintes morales ne suffisent pas : les activités illégales sont
commises lorsque leur coût probabilisé est inférieur au gain espéré.
Considérer que les criminels font un calcul coût/avantage avant de se lancer dans leurs
activités permet de proposer des recommandations en matière de lutte contre la
criminalité. Il faut que l’Etat agisse non seulement sur le coût de la criminalité mais
également sur les gains attendus. Il faut donc augmenter les peines et modifier la
probabilité d’être puni de façon à prendre en compte la préférence des malfaiteurs pour
le risque. Comme ce ne sont pas des raisons morales (un projet éducatif) qui
commandent la lutte contre la criminalité, les amendes sont préférables aux peines
d’emprisonnement car elles réduisent la criminalité (en réduisant les gains attendus) et
augmentent les ressources de l’Etat. Mais ce type de procédure se heurte à un problème :
les criminels ne se maintiendraient‐ils pas alors dans un état permanent de pauvreté en
dépensant immédiatement leurs gains, rendant impossible le recouvrement des
amendes par l’Etat ?
4) Mais où est passé le questionnement philosophique ?
Comme les développements précédents le montrent, l’impérialisme économique conduit
à explorer l’espace social jusque dans les églises et les prisons. Mais comment légitimer
cette intrusion ?
Si c’est en mettant en avant la réalité du principe d’économicité, cela demande un
minimum de justification sur les comportements humains. Va‐t‐on vraiment à l’église
par intérêt ? Viole‐t‐on vraiment en suivant le principe de l’utilité espéré ?
Si c’est en s’abritant derrière la qualité prédictive des modèles à défaut du réalisme des
hypothèses cela vient conforter nos propos du chapitre précédent, l’instrumentalisme
ne peut porter sur les comportements humains pour des raisons éthiques, car cela vient
appuyer des politiques qui, elles, sont bien réelles.
2008-12-8 18:32:39

使用道具 举报

新浪微博达人勋

Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
23
B/ Economie et institutions.
La première étape consistait en la définition d’un critère de justice, la deuxième étape
consistait à une application à l’ensemble des comportements humain. La troisième étape
concerne les institutions qui vont mettre en pratique les mesures préconisées. En
insistant sur les fondements individuels des raisonnements dans la partie précédente,
on en vient à se demander en quoi l’intervention de l’Etat est légitime.
Comme l’a fait Becker avec l’ensemble des comportements humains, l’école des Choix
Publics étend les principes méthodologiques de l’économie aux choix politiques.
1) Pourquoi l’Etat ?
C’est un champ de questionnement important de l’économie politique. L’utilisation des
méthodes économiques permet de justifier ou de contester l’intervention de l’Etat. Ces
deux conclusions contraires proviennent de deux conceptions différentes du même
point de départ : l’état de nature.
• La première consiste à supposer que les relations entre les hommes sont
naturellement pacifiques. Cette perspective soutenue par les libertariens,
certains marxistes ou par les institutionnalistes, voit la société comme
spontanément ordonnée : soit parce que les relations entre les hommes sont
spontanément pacifiques, soit parce qu’elles le deviennent sans l’intervention
d’une institution. Se conformer, comme pour Hayek, à des pratiques communes
sans comprendre le fondement de ces règles est alors un comportement
rationnel. Les conclusions sur le rôle de l’Etat sont assez contrastées : pour les
plus radicaux (les libertariens), toute intervention est inacceptable (pourquoi
créer une institution alors que les hommes s’accordent spontanément ?) ; pour
d’autres, tels Hayek, l’Etat est acceptable dès lors qu’il ne vient pas à l’encontre de
l’évolution des règles (les institutions sont alors seulement un moyen de
mémorisation des normes).
• La deuxième consiste à supposer un état de nature conflictuel. Cela correspond à
la vision de Hobbes pour qui les relations entre les hommes sans Etat est la
guerre de tous contre tous. L’apprentissage est impossible car les individus
peuvent refuser la première interaction. Ils adoptent des comportements de
passager clandestin ou cachent leurs préférences si la part la plus importante de
la société décide de ne pas coopérer. Seul la signature d’un contrat social, qui
donne naissance à un Etat (le Leviathan chez Hobbes), permet de sortir de cet
état de nature. Pourtant cela a incontestablement un effet négatif car l’Etat
acquiert non seulement le droit de faire les règles mais également de les défaire,
de ne pas les respecter ou des les utiliser en faveur de son propre intérêt. Les
individus n’ont donc que le choix entre accepter la guerre de l’état de nature ou
risquer les dérives de l’Etat.
2) Les dysfonctionnements du marché politique.
Dans les critiques faîtes au Léviathan de Hobbes n’est retenu que l’aspect à la fois
nécessaire et menaçant. Or si on admet que l’Etat s’impose, il faut lui donner une forme
qui ne soit pas celle du Leviathan. Spontanément, la démocratie apparaît comme le
régime idéal, juste milieu entre la liberté totale de l’anarchie et la dictature du Leviathan.
Histoire et Méthodologie Economique
2008 ‐ 2009
24
Mais pour les économistes, la démocratie ne fournit pas les effets attendus. La possibilité
qu’ont les gouvernants de détourner leur pouvoir à leur avantage peut donner naissance
à un « Leviathan démocratique ». Les comportements des acteurs politiques affaiblissent
la démocratie.
La première hypothèse faîte par les théoriciens des choix publics est que les hommes
politiques ne suivent pas l’intérêt général mais leur intérêt personnel. C’est l’absence de
rupture entre la sphère économique et politique qui justifie une telle conception. Tout
peut être considéré comme un marché et toute relation comme un échange. Il existe
donc un marché politique sur lequel les hommes politiques se confrontent aux
demandes des citoyens. Des quantités de biens publics (ou de politiques publiques) sont
vendues aux électeurs au prix de leur voix. Or sur ce marché, la rationalité des
comportements et les coûts de fonctionnement entrainent des dysfonctionnements.
En effet, les différents acteurs peuvent adopter des comportements stratégiques.
• Les hommes politiques dont l’intérêt porte sur leur élection ou réélection,
utilisent les instruments en leur pouvoir pour faciliter leur maintien aux affaires
(exemple Poutine).
• De plus l’offre de programme politique est loin d’être concurrentielle puisqu’en
général deux ou trois partis se partagent l’offre, n’hésitant pas à poser des
barrières à l’entrée.
• La demande n’est pas non plus concurrentiel car si compare le coût du vote à la
probabilité d’influencer le résultats, le vote devient paradoxal (Downs).
• Afin d’échapper au paradoxe du vote, les individus peuvent se regrouper.
Cherchant à obtenir des rentes, les groupes d’intérêt limitent l’efficacité et
l’équité de la démocratie : ils provoquent un gaspillage social en orientant les
politiques économiques vers la satisfactions d’intérêt partisan (les lobbys). Il en
va de même avec la corruption : alors que la distribution de ressources par les
groupes de pression est légale, c’est illégalement que sont versées des sommes
destinées à corrompre.
Mais en raisonnant à institutions données (en raison de l’utilisation du principe
d’économicité), l’école des Choix Publics a oublié l’inscription originelle de l’économie
politique dans la philosophie (ce que nous allons voir dans le dernier chapitre à venir).
L’école des Choix Publics raisonne d’emblée dans un cadre démocratique où les pouvoirs
sont établis. Or les hommes peuvent choisir, du moins dans une certaine mesure, le
cadre constitutionnel dans lequel ils agissent. Là est le programme de l’Économie
Politique Constitutionnel de Buchanan : s’interroger sur le choix même des règles, la
définition et l’étendue du pouvoir et le fonctionnement des institutions (et non
uniquement leurs actions). L’alternative ouverte par Buchanan a le mérite de rappeler
l’ancrage de l’économie politique dans la philosophie sociale.
2008-12-8 18:33:04

使用道具 举报

新浪微博达人勋

就这么多了!总共24页!!我粘贴复制辛苦啊
希望对大家有帮助拉~~
2008-12-8 18:33:53

使用道具 举报

新浪微博达人勋

soutien.jpg
2008-12-9 07:56:54

使用道具 举报

新浪微博达人勋

同学,呵呵~~~~
2008-12-13 13:34:23

使用道具 举报

123下一页
您需要登录后才可以回帖 登录 | 注册 新浪微博登陆

本版积分规则

返回顶部