« Ces trois chatons brodés donnent une telle impression de naturel qu'il me semble entendre leurs miaulements », s'extasie un visiteur. « Leur poil soyeux nous invite à les caresser », dit un autre.
J'ai entendu ces propos au cours d'une visite à l'Exposition nationale d'artisanat à Beijing. Le tableau tant apprécié est une broderie double face, large de 55 cm et haute de 36 cm, montée sur un encadrement de bois dur.
D'un côté de la broderie, les chats aux yeux bleus s'appuient paresseusement l'un sur l'autre, tandis que sur le revers, leurs yeux jaunes veillent attentivement sur quelque chose.
Les yeux brillants des chatons avec l'éclat cristallin du bulbe de l'oeil, et leur épais poil blanc et lustré frappent tout le monde.
L'oeuvre est due à Madame Yu Fuzhen de l'Institut de Recherche de Broderie de Suzhou. Cette brodeuse de 40 ans a mis six mois pour l'accomplir. Elle a créé cette nouvelle technique à deux faces en introduisant différentes couleurs sur chaque côté au lieu de couleurs identiques.
La broderie de Suzhou, qui a une tradition de 4 000 ans, est considérée comme une des quatre grandes écoles de cet artisanat chinois, avec celles du Hunan, du Guangdong et du Sichuan. Toutes sont faites à la main sur un tissu en soie telle que taffetas, satin et soie grège.
L'école de Suzhou est réputée pour la finesse de son exécution. Pour obtenir l'effet artistique désiré, on subdivise un fil ténu de soie en 2, 4, 6, 8, voire même 48 brins, chacun étant aussi fin qu'une seule fibre de soie.
C'est avec cette fine soie et en utilisant 26 couleurs que Yu a brodé les yeux brillants des chatons.
Une autre brodeuse a réalisé aussi par ce moyen la queue de poissons rouges nageant gracieusement dans une eau émeraude.
En 1956, lors d'une exposition internationale d'artisanat à Londres, devant des visiteurs venus de différents pays, Madame Gu Wenxia divisa un fil ténu de soie en 12 brins, avec lesquels elle broda sur-le-champ des moustaches. « Je n'en crois pas mes yeux ! » s'exclama un visiteur.
Les plumes de paon magnifique sur la broderie de Suzhou brillent comme celles d'un véritable oiseau grâce à un choix exact et délicat de tons et de nuances. Le choix minutieux des tons peut montrer aussi la différence entre des feuilles jeunes et vieilles sur une même plante sur un tableau de broderie. Si l'on regarde de près, il arrive que les points suivent la direction des nervures dans une feuille ou un pétale, tandis que pour les animaux et les oiseaux, les points suivent la direction du poil ou des plumes.
On brode avec un fil fin les minces pétales de la rose, du pavot et de la balsamine et avec un fil gros les pétales épais du camélia, du magnolia ou du lotus.
La broderie de Suzhou compte à présent 40 sortes de points au lieu de 18 traditionnels, tandis que les fils de soie existent déjà en 6 mille nuances différentes. Donc, presque tous les dessins : peinture traditionnelle chinoise, peinture à l'huile, gouache, photo en couleur ou calligraphie, peuvent être restitués dans la broderie de Suzhou.
La célèbre peinture traditionnelle « Que le paysage est charmant » et la peinture à l'huile russe « Le Palais d'Hiver » ont été reproduits dans la broderie de Suzhou.