Pour rassurer recruteurs et présidents d'université, le gouvernement va publier un nouveau texte qui facilitera le travail en France des diplômés étrangers très qualifiés. Mais les étudiants restent prudents. Explications.
Les quatre mois de mobilisation des étudiants étrangers et de leurs soutiens ont-ils fini par payer? Face aux critiques de diplômés, d'universitaires, de politiques mais aussi de recruteurs, le gouvernement a dû revoir les modalités d'application de la circulaire Guéant, publiée le 31 mai dernier.
Cette dernière impose aux préfets de durcir les conditions de passage du statut d'étudiant à celui de salarié, pour les jeunes étrangers diplômés en France. Résultat, des centaines d'entre eux, sortis des meilleures écoles, sont privés de travail en France, même quand une entreprise les réclame.
La circulaire reste finalement en vigueur, mais la délivrance du permis de travail aux étudiants "hautement qualifiés, de niveau au moins égal au master 2, qui souhaitent acquérir en France une première expérience professionnelle", sera assouplie, selon les ministères de l'Intérieur, du Travail et de l'Enseignement supérieur, réunis ce mercredi place Beauvau.
Prudence chez les diplômés
Mobilisé depuis septembre, le Collectif du 31 Mai, qui rassemble des étudiants privés de travail, salue l'avancée mais reste "vigilant". "On attend de voir le texte écrit noir sur blanc, on est habitué aux annonces qui se contredisent les unes les autres", juge Fatma Chouaieb, porte-parole du Collectif, qui regrette aussi que les étudiants n'aient pas été associés aux débats.
Sur le fond, le nouveau texte "rappelle des valeurs auxquelles on tient, comme l'attractivité ou la compétitivité des entreprises françaises", témoigne Fatma Chouaieb. "Le fait que le nouveau texte aborde le cas des diplômés bac+5 est aussi satisfaisant, mais tout dépendra des critères choisis pour instruire leurs dossiers", poursuit-elle.
"Lever les malentendus"
Le nouveau texte semble surtout destiné à rassurer les recruteurs, qui s'inquiétaient de voir renvoyés dans leurs pays des diplômés ultra-qualifiés [lire ici l'interview d'un responsable du cabinet Deloitte].
Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement supérieur, avait préparé le terrain sur RTL ce mercredi matin. Par exemple, "une entreprise française qui veut se développer en Chine, en Inde, au Brésil, elle a identifié un étudiant qui est venu étudier chez nous, qui connaît bien ces pays parce qu'il en est originaire, ça peut l'aider à développer sa compétitivité et percer sur ces marchés. Et bien on autorisera l'étudiant étranger à travailler dans cette entreprise. Voilà un cas précis, simple, visé dans l'instruction", avait-il détaillé.
Maintenir l'attractivité
La nouvelle circulaire reprend la même idée: elle demandera aux préfets de "faire en sorte que la nécessaire maîtrise de l'immigration professionnelle ne se fasse pas au détriment de l'attractivité du système d'enseignement supérieur, ni des besoins de certaines de nos entreprises en compétences spécifiques de haut niveau". Et "précisera explicitement que la connaissance approfondie d'un pays (...) peut constituer une compétence spécifique recherchée, par exemple pour la conquête d'un nouveau marché. Cela sera pris en compte dans l'appréciation des demandes de titres de séjour avec autorisation de travailler".
Mais "il faudra surtout que la marge d'appréciation des agents des préfectures soit la plus mince possible, prévient Fatma Chouaieb. Comment pourront-ils apprécier la capacité d'un jeune à contribuer au développement d'une entreprise? Ce sont les RH qui font ce boulot, une lettre de l'entreprise expliquant pourquoi elle a choisi ce diplômé serait suffisant." Les prochaines semaines diront si le Collectif a été entendu.